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Rencontre

L’émouvant bestiaire de SONAC fait mouche

De ses rencontres avec des animaux, Sonac transmet l’émotion en un dixième de seconde avec ses photographies installées sur les murs. Et ses images valent bien plus que mille mots !
Par Gabrielle Gauthier

En regardant les photographies de Sonac, on imagine aisément l’artiste passionnée derrière son appareil photo à la recherche de l’émotion pure, celle qu’elle trouve puis capture dans le regard des animaux qu’elle immortalise, avant de généreusement les offrir à tous par ses installations géantes sur les murs des agglomérations urbaines. L’amour qu’elle déploie lorsqu’elle attend des heures durant l’instant fugace où l’animal lui « parlera » se retrouve ainsi dans chacune de ses œuvres. Et ces rencontres, Sonac les inscrit comme autant de témoignages poignants qui font prendre conscience aux passants de leur responsabilité dans le destin du monde animal.

D’où vous vient votre passion pour la photo animalière ?

Depuis que j’ai commencé la photo, je me sens profondément portraitiste… Quel que soit mon sujet, j’essaie d’en tirer un portrait, c’est-à-dire d’en capter le reflet mais également la vibration, de retranscrire l’instant vivant dans l’image figée. Ce travail de portraitiste appliqué à la photographie animalière est très intense. Le premier animal que j’ai fait était un cochon… et je me souviens encore de ce grand apaisement que j’ai ressenti… La photographie animalière, telle que je la pratique, implique une grande proximité avec l’animal, je baigne dans son odeur, et je ressens tellement d’émotions à travers son regard et son attitude : la curiosité, la peur, l’agacement… il n’y pas de faux-semblants.

Pourquoi avez-vous choisi les animaux comme sujet principal de votre travail ?

Ce sujet s’est imposé à moi. D’abord par le bien-être que cela m’apporte ; de les côtoyer régulièrement, cela me ressource. Ensuite parce que j’aime ce message fort caché derrière un regard, un animal inoffensif sur un mur, mais qui parle pour qui veut l’écouter…

Que représente pour vous le fait de coller vos photos d’animaux, souvent sauvages, dans l’espace urbain ?

J’avais envie que mes photos d’animaux aient une autre portée. Qu’elles aient une autre vie… La naissance de mon projet « Affichage Sauvage » est un peu particulière. Il a commencé suite à une longue période alitée, à cause d’une polyarthrite rhumatoïde. Deux années sans pouvoir bouger ni mes bras, ni mes jambes, à faire des bilans sur tout : ma vie, mes envies… J’ai rapidement réalisé que, si je pouvais remarcher, je vivrais ma création autrement, en la partageant constamment, sans attendre les expositions où mon travail n’est vu que par un public choisi, en proposant ma création dans la rue, au regard de chacun. J’ai aussi eu envie de passer un message à travers mon
travail pour avoir l’impression de joindre ma petite pierre à l’édifice. Et la place de l’animal dans la société est une question qui me paraissait très importante. En utilisant mes photos d’animaux et en les replaçant dans l’espace public, j’espère amener les gens à réfléchir. Certains y voient peut-être une dégradation, mais la plupart se prennent à rêver, voire à se questionner… En travaillant en osmose avec l’architecture du mur où j’insère mon animal, je crée de véritables trompe-l’œil qui intensifient l’émotion ressentie par le spectateur.

D’ailleurs, comment choisissez-vous vos « modèles » ?

Je ne peux pas vraiment dire que je choisis mes modèles… La photographie animalière est une activité assez fastidieuse… Des heures et des heures d’attente, pour avoir la bonne attitude, la bonne lumière, et le regard, car j’aime que mes animaux nous regardent dans les yeux… Je n’ai pas d’animaux de prédilection, je les photographie tous. Ensuite, c’est une histoire de rencontre avec chaque animal. Je prends le temps : certains sont réticents ; d’autres se prennent au jeu. J’ai récemment joué à cache-cache avec une lionne. Elle me cherchait du regard quand
je me cachais, se déplaçait pour essayer de me trouver et, dès que j’apparaissais, elle se plaquait au sol tout en m’observant fixement, ne bougeant plus en attendant que je me cache à nouveau. Ce petit jeu a duré un bon quart d’heure, c’était vraiment très puissant.

Comment choisissez-vous les murs qui accueilleront vos installations ?

Pour les murs, je fais des repérages minutieux dans la ville qui m’accueille. J’évite les murs neufs, je préfère ceux qui ont un peu vécu et, si possible avec des éléments d’architecture pour m’amuser dans la composition de mon installation. Je prends des photos d’absolument tous les murs qui pourraient m’intéresser, avec leurs mesures précises. Ensuite, j’utilise ma banque de photos, je fais environ 40 jours par an de prise de vue avec des animaux, afin d’avoir en permanence un bon stock d’images fortes. Pour chaque mur que j’ai photographié, j’essaye tous les animaux qui pourraient correspondre au niveau des proportions hauteur/largeur, puis la sélection des murs se fait très naturellement. Je ne choisis que les murs où la composition est la plus forte…

Considérez-vous que, grâce à vos installations, l’animal prend possession des lieux ? De la rue ? De la ville ?

Quand, au petit matin, on part au travail et que, sur le chemin, on croit, encore un peu endormi, apercevoir une panthère à l’angle d’une rue, alors on peut dire que l’animal a pris possession des lieux… Cela déclenche plein de sentiments, de la peur, l’espace d’une seconde, à la curiosité, puis le ressenti, propre à chacun… Et mes installations ne sont jamais signées afin que mes animaux restent bien le centre d’attention.

Selon vous, en quoi « l’animal » questionne-t-il le monde actuel ?

Nous avons perdu plus de la moitié des espèces animales en à peine cinquante ans. Le signal d’alarme a été tiré depuis déjà longtemps et pourtant, il n’y a aucune avancée majeure sur le sujet. L’hécatombe continue ! D’ailleurs, beaucoup d’espèces n’existent plus qu’en captivité… Ils sont ainsi les indicateurs de l’état de notre planète… mais il est encore temps d’agir !

Ce travail, commencé il y a plus de dix ans, prend-il un nouveau sens aujourd’hui face aux dangers qui menacent la nature ?

Mon travail d’« Affichage Sauvage » prend effectivement une certaine ampleur actuellement. Alors que mon message reste le même, il fait désormais écho à l’actualité. J’ai par exemple la chance de participer en octobre, au mois Franco Chinois de l’Environnement 2020, à Chengdu en Chine. Cet évènement invite le public à réfléchir aux moyens de concilier développement économique et respect de l’environnement.

Que vous ont apporté ces dix années ?

Ces dix années m’ont permis de me perfectionner, d’acquérir du matériel professionnel et de l’autonomie. Depuis trois ans, je réalise moi-même toutes les impressions des animaux que je colle. J’ai fait l’acquisition d’un traceur, pour avoir la qualité que je voulais, avec des noirs bien profond. J’ai aussi modifié ma manière de découper mes animaux : j’affine ainsi de plus en plus la découpe et, sur les gros tirages, je passe plusieurs jours avant d’avoir exactement ce que je veux.

Quels sont vos projets ?

Continuer à glaner de nouveaux animaux pour, peutêtre, réussir sur les murs des installations de toutes les espèces qui existent encore à ce jour… Il y a encore du travail, mais je suis sur la bonne voie !

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