Exceptionnel par sa durée – jusqu’à fin octobre – et son ampleur – à l’échelle du département –, ce festival l’est aussi par la volonté de sortir des sentiers battus et des stéréotypes. Rencontre avec son directeur artistique, Vincent Piétri.
10ème Art : 10emeart-festival.com
Instagram : @10emeart

S’il vient du sport – skate, BMX, snowboad – Vincent Piétri a toujours eu une attirance pour les Arts Urbains. Lorsque, en 2003, il ouvre son magasin de skate à Aurillac, il confie à des graffeurs orléanais la décoration intérieure. Une révélation qui l’a conduit à prendre la direction artistique de ce festival pas comme les autres et à faire de sa ville « un musée à ciel ouvert », selon l’expression convenue, avec déjà plus d’une cinquantaine d’œuvres, mais sur surtout un centre d’attraction pour des artistes soucieux d’échange et de partage.

Comment est né le Festival 10ème Art ?
Dans la continuité d’animations événementielles autour des cultures urbaines – graffiti, musique, danse… – que l’on propose depuis 2002 avec l’association Session libres d’Aurillac. Il y avait déjà un festival, Sessions Volcaniques, qui a connu 15 éditions. En 2016, nous avons décidé de changer d’échelle pour partager avec le public le temps de création que l’on avait lorsque l’on accueillait des artistes pour des Jam Graffiti.

Avec quelle ligne ?
Rendre accessible ces pratiques à un large public, présenter des artistes émergents et des artistes avec une plus grande notoriété, des artistes locaux ainsi que artistes nationaux et internationaux, avec la volonté de ne pas créer un événement entre initiés pour la « fame », mais qui fasse plaisir à tout le monde. Pour la première édition, nous avons réuni une vingtaine d’artistes pendant une dizaine de jours, dont Astro, Sismikazot, Supo Caos… Sur 10 jours, nous avons eu 8 jours de pluie [rires] mais nous nous sommes rendus compte que l’énergie était incroyable, tous les artistes se sont accrochés et ont réalisés des peintures marquantes.

Avez-vous eu très vite des soutiens ?
Oui. Le premier, c’est le bailleur social local, Cantal Habitat, qui a tout de suite cru en ce que l’on faisait et qui nous accompagne depuis. Nous avons signé une convention avec la mairie et EDF qui nous permettait de travailler sur des coffrets électriques, pas mal de spots de moyen format accessibles et intéressants. La municipalité connaissait déjà notre travail associatif depuis 15 ans et nous a donné accès à des murs. Nous avons enfin reçu un énorme soutien du tissu économique local, avec beaucoup d’entreprises qui prennent la mesure de l’intérêt de notre activité pour le territoire et qui mettent à notre disposition des murs mais aussi des moyens logistiques.

Y a-t-il des éditions chaque année ?
Oui, avec une montée en puissance chaque année. Même pendant le COVID, nous n’avons rien lâché. Dès la deuxième édition, nous avons demandé aux artistes de proposer des œuvres engagés, fortes, pour prendre place dans l’espace. Nous avons ainsi accueilli des personnalités comme Jace ou Cryptik. Au-delà des candidatures spontanées, nous avons mis en place un système de cooptation dans lequel chaque intervenant passé par le festival, qui connaît nos valeurs, propose un ou plusieurs artistes de son choix. Très rapidement, nous avons ainsi décidé d’élargir la durée du festival. Réunir beaucoup d’intervenants sur quelques jours, c’est un peu le format des Jam Graffiti que l’on faisait avant. Nous avons eu l’envie de créer du lien entre l’artiste, l’œuvre et le territoire. Nous avons donc étalé les résidences sur deux, trois, maintenant six mois, pour proposer des conditions d’accueil plus favorables.

Que faut-il attendre de cette huitième édition ?
Depuis 2017, nous avons commencé à travailler à l’échelle du département, en saisissant des opportunités. Désormais, c’est une réelle volonté, notamment dans des communes rurales, même si la typologie du département est essentiellement campagnarde. Même Aurillac reste une petite ville au milieu des champs [rires]. Cette année, nous allons ainsi dans des communes de moins de 600 habitants. Nous avons mis en place une exposition collective, Woma Mix, qui s’est d’abord déroulée à Saint-Flour, dans un lieu historique, la Halle aux Bleds, et sera itinérante pendant toute la durée du festival, avec une installation rehaussée en août à Aurillac.

Quels sont les temps forts dans l’espace public ?
Une collaboration entre Maye et Taroe, pour la première fois à Saint-Flour. Nous allons accueillir Ben Trakt, l’auteur de l’affiche de l’édition 2023, pour une résidence multiforme. Il va peindre un mur mais aussi une structure un peu plus complexe avec des escaliers et de grands supports que l’on va découper et exposer sur un chemin de randonnée, pour proposer une découverte de l’oeuvre en itinérance.

Est-ce une volonté de sortir l’Art Urbain de son environnement naturel ?
Absolument. Nous voulons casser les barrières et, surtout, ne pas se laisser freiner par des codes. J’ai envie de mélanger les techniques, les médiums, les supports… Que les artistes soient 100% graffiti, étiquetés Street Art ou art contemporain, on s’en moque. Depuis deux ans, nous présentons des artistes qui sont éloignés des stéréotypes, comme Primal ou Vesod en 2022, Inigo Sesma ou Fintan Magee cette année. J’ai été nourri par la culture sportive du free style, ce qui veut bien dire que le style est est totalement libre, que ce soit par la pratique, les figures que tu crées, la manière. C’est cette ouverture et cette liberté que nous voulons proposer aux artistes.