Présent dans de nombreuses galeries d’art internationales, OneMizer était en « tournée » au Japon en novembre dernier. Retour sur les déambulations d’un agent perturbateur.

En novembre dernier, pour son deuxième séjour au Japon, OneMizer a régalé ses admirateurs autant que ses collectionneurs nippons. Organisé par la galerie Suiha, ce voyage a en effet conduit l’artiste à Okinawa, Osaka et Tokyo. Au programme ? Trois solo shows, une vente caritative, des performances live, des signatures… et la rencontre avec un public toujours plus nombreux, amoureux des œuvres de cet figure emblématique de la scène urbaine. Une quinzaine de pièces ont ainsi été présentées dans la « galerie » de l’hôtel Anterroom Naha d’Okinawa, très investi à promouvoir l’art depuis sa création. Pendant plusieurs jours, dans ce grand espace lumineux totalement dédié à l’exposition, les visiteurs ont pu voir l’artiste oeuvrer en live. « J’ai travaillé sur une dizaine d’objets jetés à la mer – bouteilles, pots, vases… –, sur un Sanshin [instrument à cordes, NDLR], ainsi que sur deux Shisa en résine, statues typiquement traditionnelles placées devant ou sur le toit de la plupart des bâtiments pour ses vertus protectrices. « De petits défis pour m’adapter aux supports ! Ces pièces ont été vendues aux enchères le quatrième jour au profit de deux associations : l’une au service de la protection des océans, l’autre engagée auprès des orphelins de l’île », indique OneMizer.

Un Shisa pour protéger Okinawa
Adepte de la provocation, l’expérience a évidemment séduit OneMizer. « Le Street Art étant totalement absent d’Okinawa, qu’un petit parisien avec sa casquette à l’envers et son caleçon qui dépasse vienne foutre le bordel dans un hôtel de luxe et un univers plutôt aseptisé ne peut que m’amuser ». Plus sérieusement, les risques de catastrophes naturelles – typhons, séismes… – et le contexte géopolitique spécifique de l’île, qui abrite plus de 30 bases et installations militaires américaines, n’ont pas échappé à l’artiste. « Entre les panneaux qui informent des risques de tsunami et le ballet constant des avions et des hélicos de l’armée américaine dans le ciel, l’atmosphère est en effet particulière. D’ailleurs, le dernier soir, lorsque les sirènes ont retenti et que nos téléphones ont affiché « alerte d’urgence« , persuadé qu’il nous restait 20 secondes avant l’arrivée d’un tsunami, j’ai entraîné mon équipe, ma femme et mes fils sur le toit de l’hôtel… avant de réaliser que, s’il s’agissait d’un tremblement de terre, le toit n’était pas le meilleur endroit. Sous adrénaline, nous sommes tous redescendus à la recherche de la traductrice. « Ne vous inquiétez pas. Kim Jong-Un a lancé un missile, mais il loupe toujours« , nous explique-t-elle en pyjama, décontractée, comme habituée ! Effectivement, plus tard, en regardant les infos, un missile a bien survolé Okinawa et s’est abîmé en mer, à seulement 20 bornes ! J’ai ainsi appris que Kim Jong-Un lançait des missiles non armés trois ou quatre fois par an pour étudier la réaction des américains. Heureusement que mon Shisa a protégé l’hôtel », plaisante OneMizer, qui a également réalisé une fresque sur un mur extérieur du bâtiment, baptisé avec humour ShisART. Situé face à la mer, l’œuvre doit ainsi protéger l’hôtel mais aussi la ville d’Okinawa de tout désastre.


4. L’art d’enfiler des perles, technique mixte sur palette.
Une respiration salutaire
Pas moins d’émotions – heureusement différentes – à Osaka et Tokyo, où l’artiste a rencontré ses collectionneurs, venus en nombre admirer une trentaine de pièces dans chacun des espaces de la galerie Suiha. « Malgré l’efficacité de traductrice, la communication orale n’est pas toujours facile. Et bien que les japonais soit peu démonstratifs, le regard qu’ils portent sur moi et mes œuvres est plutôt valorisant, comme s’ils rencontraient Picasso [rire]. Tu sens que tu leur donnes du bonheur ! Les voir regarder ton travail comme un Monet ou discerner une larme au coin l’œil quand tu leur serres la main est extrêmement émouvant… et ça te booste ! ». Une de ces rencontres a ainsi particulièrement marqué l’artiste, celle d’un moine bouddhiste, « une sommité au Japon, puisqu’il a rencontré le Pape plusieurs fois, d’un grand charisme, qui a craqué pour le tableau le plus Street, du pur graffiti. Qu’une personne a priori d’une grande spiritualité puisse être sensible à cette typographie est assez déstabilisant. En discutant avec lui, j’ai appris qu’une de ses fonctions dans le temple était de graver les noms des personnes décédées sur les tombes. Tu imagines, le gars il graffe sur des pierres tombales ! ».

Ces nombreux échanges ont nourri l’artiste profondément. « Souvent seul dans mon atelier, cela m’amène de la couleur, de la joie, de l’intensité. Surtout, ces rencontres H24 me font prendre conscience des responsabilités qui pèsent sur un artiste ! Peindre s’impose alors pour moi comme un devoir envers toutes ces personnes qui apprécient mon travail et auxquelles j’apporte peut-être un peu de bonheur. Si la haine ne prend pas de vacances, je ne vois pas pourquoi j’en prendrais ! », souligne celui qui cultive avec brio le paradoxe, pointant dans ses toiles les absurdités du monde. Dans sa quête artistique, un tel voyage lui apparaît comme une respiration, une parenthèse, « un répit euphorisant » tant peindre est un besoin vital teinté autant d’ascétisme que de plaisir, entre construction et déconstruction. Sur ses toiles en effet, des éléments – personnages, mains, objets… – d’un réalisme époustouflant que l’artiste se plaît recouvrir de tags. « Comme un bâtisseur qui galère à monter brique par brique sa maison et exulte en posant le crépi [rire] ». Un travail que l’on pourra d’ailleurs découvrir à Drouot, sur District 13, où OneMizer et la Galerie One nous préparent de belles surprises.

À voir
Galerie Suiha
suiha.co.jp
Galerie One : galerieone.fr
Instagram : @galerieone
OneMizer : onemizer.com
Instagram : @one_mizer