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Marché de l'art

Avis de grand Frey pour l’Art Urbain

À l’occasion des 5 ans du Clos du ChĂȘne, vĂ©ritable musĂ©e Ă  ciel ouvert avec 95 fresques signĂ©es par 45 artistes, rencontre avec Antoine Frey, un patron atypique, passionnĂ© et engagĂ©.

FonciĂšre spĂ©cialisĂ©e dans le dĂ©veloppement et l’exploitation de centres commerciaux de plein air, le groupe Frey est aussi un soutien actif des artistes urbains. Tout a commencĂ© en 2019, avec l’organisation d’un festival de Street Art au Clos du ChĂȘne, Ă  Marne-la-VallĂ©e. Si le manque de murs disponibles impose une pause sur ce site, l’aventure du groupe ne va pas s’arrĂȘter en si bon chemin.

Antoine Frey

Comment est nĂ© l’idĂ©e – un peu folle – de faire entrer le Street Art dans des centres commerciaux ?
La logique, c’est de faire de ces lieux populaires, au bon sens du terme, recevant beaucoup de monde, des espaces de rencontre entre une forme d’expression artistique et un public qui, bien souvent, n’ose pas pousser la porte d’un musĂ©e ou d’une galerie. Je croise beaucoup de personnes qui affirment : « L’art, je n’y connais rien ». Je leur rĂ©ponds : « Cela vous plaĂźt ou non ? Vous trouvez ça beau ? Vous ressentez une Ă©motion ? Ça vous titille le cortex ?
 Alors, vous ĂȘtes un amateur d’art ! ».

Votre groupe Ă  le statut « d’entreprise Ă  mission ». Votre engagement pour le Street Art fait-il partie de votre responsabilitĂ© sociĂ©tale ?
Tout Ă  fait. La mission que nous nous sommes fixĂ©e est simple : remettre le commerce au service de l’intĂ©rĂȘt collectif. Cela peut prendre diverses formes : comme vecteur d’intĂ©gration sociale par l’emploi, comme vecteur de rĂ©silience Ă©conomique en liaison avec le tissu associatif local, comme vecteur d’accĂšs Ă  l’art et Ă  la culture


Speedy Graphito, parrain de la premiĂšre Ă©dition du Festival Street Art Ă  Clos du ChĂȘne.

A-t-il été difficile de convaincre les artistes ?
Pour le monde de l’art, et plus particuliĂšrement les artistes urbains, nous sommes un peu des suppĂŽts du grand capital. Construire et gĂ©rer ces temples de la consommation, c’est presque pire qu’ĂȘtre marchand d’armes ou trafiquant d’organes [rires]. Heureusement, le philosophe GĂ©rard LemariĂ©, qui nous accompagne dans toute cette dĂ©marche, nous a prĂ©sentĂ© Speedy Graphito. Il a tout de suite Ă©tĂ© emballĂ© parce que c’est quelqu’un qui comprend que, pour que l’art ait du sens, il faut qu’il soit accessible et un peu « gourmand ». Il a acceptĂ© d’ĂȘtre le parrain de la premiĂšre Ă©dition. Pour nous, cela a Ă©tĂ© merveilleux.

Son rÎle a-t-il été déterminant ?
ForcĂ©ment, un nom aussi prestigieux que le sien a mis les autres artistes en confiance. La premiĂšre Ă©dition s’est trĂšs bien dĂ©roulĂ©e, l’ambiance Ă©tait trĂšs sympa. Nous avons rĂ©ussi Ă  faire de cet Ă©vĂ©nement un moment de rencontre avec les familles, les Ă©coles qui emmenaient les classes regarder les artistes travailler
 DĂšs lors, le truc Ă©tait lancĂ©.

Quelles sont les conditions de participation des artistes ?
Ils sont bien Ă©videmment logĂ©s et nourris. Le matĂ©riel et l’équipement sont fournis, et ils sont dĂ©frayĂ©s. Pour la rĂ©munĂ©ration, nous avons Ă©tabli une rĂšgle trĂšs simple : il n’y a pas de star ! Tout le monde est payĂ© au mĂȘme tarif et je trouve que c’est un bon principe, dans l’esprit du Street Art. Pour les signatures les plus reconnues, c’est d’ailleurs trĂšs en dessous du prix auquel ils vendent leurs Ɠuvres, mais pour les artistes Ă©mergents, cela reprĂ©sente un montant significatif. Cela nous semblait important de donner Ă  tous les moyens de travailler. Et, franchement, les questions financiĂšres n’ont jamais Ă©tĂ© un problĂšme. À chaque fois, nous avons vĂ©cu ensemble des moments festifs. D’ailleurs, certains artistes, comme Andrea Ravo Mattoni, ont participĂ© Ă  toutes les Ă©ditions.

Pourquoi avoir choisi le Clos du ChĂȘne pour ce festival ?
C’est un site que nous avions construit il y a longtemps, Ă  une Ă©poque oĂč l’architecture des centres commerciaux Ă©tait trĂšs pauvre, c’est le moins que l’on puisse dire. Quand nous avons souhaitĂ© le restructurer, tous les projets qui nous ont Ă©tĂ© proposĂ©s n’étaient pas convaincants, coĂ»taient trĂšs chers et prĂ©sentaient un bilan carbone dĂ©sastreux. Nous nous sommes dits que, puisque ces murs n’avaient aucun intĂ©rĂȘt, de mĂȘme que l’architecture elle-mĂȘme, le mieux Ă©tait d’en faire un support artistique.

Les Ɠuvres du Clos du ChĂȘne sont-elles pĂ©rennes ?
Ce sont des fresques extĂ©rieures, donc, naturellement, elles Ă©voluent. Certaines souffrent, se dĂ©gradent ; d’autres se patinent avec le temps. C’est dans la logique du Street Art. Ce serait d’ailleurs trĂšs compliquĂ© de les entretenir, cela coĂ»terait une fortune. Alors, nous les laissons simplement vivre. Peut-ĂȘtre qu’il faudra un jour en recouvrir certaines
 Nous demanderons peut-ĂȘtre Ă  l’artiste de revenir et d’intervenir en lieu et place de ce qu’il a rĂ©alisĂ© des annĂ©es plus tĂŽt. Mais, en 5 ans, toutes les fresques d’origine sont toujours lĂ , Ă  l’exception d’une seule peinte sur un support inappropriĂ©.

Le Street Art est également présent dans vos autres sites, mais plus discrÚtement

Il est vrai que les lieux que l’on construit ou que l’on dĂ©veloppe aujourd’hui, comme les Shopping Promenades, sont nettement plus beaux, plus sympas
 mais l’architecture et le cĂŽtĂ© dĂ©ambulatoire font qu’il y a simplement moins d’espaces disponibles, seulement entre 5 et 10. Il n’est donc pas possible d’avoir le cĂŽtĂ© musĂ©al du Clos du ChĂȘne, avec prĂšs de 100 fresques. Mais nous avons toujours envie de montrer des Ɠuvres, parce que nous nous sommes pris au jeu, que c’est excitant de faire travailler de nouveaux artistes et que nous adorons ça


Votre engagement pour l’Art Urbain va-t-il se poursuivre ?
Évidemment ! Nous sommes une entreprise de croissance. Lorsque je me suis lancĂ©, en 2008, nous ne possĂ©dions aucun site. Fin 2023, nous en avions une petite trentaine. Et nous nous dĂ©veloppons beaucoup Ă  l’international, notamment en Espagne, au Portugal, en Pologne. Nous rachetons actuellement une entreprise prĂ©sente dans 12 pays avec des Outlets [un centre commercial rassemblant des magasins d’usine, comme La VallĂ©e Village, NDLR]. Aujourd’hui, le Street Art faisant partie de notre ADN, nous l’intĂ©grons dans tous nos projets. En septembre, nous organisons ainsi une exposition Ă  ciel ouvert d’Ɠuvres de Speedy Graphito. Il a Ă©galement conçu non pas une aire de jeu, mais un « art de jeu » pour les enfants, Cours des LavandiĂšres Ă  Saint-Ouen, qui mĂȘme jusqu’à Communale, notre espace dĂ©diĂ© Ă  la gastronomie et Ă  la culture. Lorsque je lui ai proposĂ© l’idĂ©e, j’étais persuadĂ© qu’il allait refuser, mais il a imaginĂ© un truc de fou, de 15 mĂštres de haut. Les enfants pourront jouer dans une Ɠuvre d’art, j’espĂšre qu’ils s’en rendront compte.

À titre personnel, ĂȘtes-vous collectionneur ?
Oui, d’art en gĂ©nĂ©ral. J’apprĂ©cie beaucoup la photo, notamment Rancinan, la sculpture, comme Mauro Corda, le gĂ©nial crĂ©ateur des Nains dictateurs, qui a acceptĂ© de rĂ©aliser un bronze de mon pĂšre, que j’ai perdu trĂšs jeune, d’aprĂšs photo, alors qu’il ne fait jamais de commandes. Nous avons aussi commandĂ© Ă  AurĂšle un Lost Dog monumental qui « garde » l’entrĂ©e de notre siĂšge social Ă  Reims. Et j’ai achetĂ© un magnifique trypique de Speedy, accrochĂ© dans nos bureaux parisiens. J’apprĂ©cie des choses trĂšs diffĂ©rentes, je ne me considĂšre pas comme un connaisseur Ă©clairĂ©, je papillonne
 J’achĂšte ce qui me plaĂźt, sans chercher la plus-value. Je spĂ©cule dĂ©jĂ  dans mon mĂ©tier, ce n’est pas pour spĂ©culer dans mes passions [rires].

A voir
Parc commercial Clos du ChĂȘne

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