Menu
Rencontre

Cofee : de Gouttières à Monaco, un trait plein d’esprit

D’un village auvergnat à la principauté, Cofee impose sa calligraffiti sur les murs et les toiles, une écriture picturale saisissante, qu’il développe en noir et blanc et désormais en couleur.

Qu’elle soit dessinée sur papier, peinte sur un mur ou une toile, la calligraffiti de Cofee invite naturellement à une évasion poétique par la puissance, la gestualité et l’expressivité du trait. Un style que l’artiste complexifie œuvre après œuvre, alors même que s’exposent aux regards ces portraits totalement accessibles par leur abord figuratif. Un premier niveau de lecture d’une étonnante simplicité qui cache en réalité une multiplicité déconcertante. L’hégémonie du geste pictural s’accompagne chez Cofee d’un désir de peindre le vivant, entre visages anonymes et animaux sauvages ou domestiques, fruits de rencontres, d’échanges, de partages… Au regardeur de percevoir l’émotion qui se dégage de chaque œuvre, avant de voyager ensuite dans cette calligraphie abstraite pour construire sa propre histoire.

Depuis notre dernière rencontre, comment as-tu fait évoluer ta calligraffiti ?
Je continue mes recherches afin de faire évoluer petit à petit ma calligraffiti, de l’affiner à travers des nouvelles techniques. Ayant beaucoup travaillé le noir et blanc, j’ai désormais envie de faire péter la couleur [rire], afin d’apporter du peps et de la fraîcheur à mon travail. Cela m’est venu plutôt naturellement et, aujourd’hui, l’équilibre entre œuvres en noir et blanc et œuvres en couleur – sur lesquelles j’ai de très bons retours d’ailleurs – se crée spontanément.

Outre la couleur, le portrait humain s’impose également davantage dans ton travail…
Effectivement… Là encore, ayant dessiné quantité d’animaux, j’ai eu envie de me remettre au portrait, que j’ai beaucoup pratiqué lorsque j’ai commencé, afin d’appliquer toutes les techniques acquises ces dernières années et découvrir ce que cela pouvait donner. Je savais que ma pratique avait évolué, alors je me suis lâché… J’ai même utilisé la couleur pour Cerise ou Fluorange. Le résultat et les retours me donnent envie de continuer [rire].

Qui sont tes modèles ?
Je peins essentiellement des visages anonymes, ce qui m’autorise une totale interprétation et permet à chacun de développer son propre imaginaire. En outre, je ne souhaitais pas m’appuyer sur une quelconque notoriété. Aujourd’hui, alterner portraits d’animaux et visages s’impose ainsi naturellement.

Tu nous avais révélé que l’essence même de ton style était de complexifier ta peinture sans que cela se voit. Est-ce toujours ta démarche ? Et comment cela se traduit-il dans ton travail ?
C’est toujours ma démarche et je suis d’ailleurs en perpétuelle recherche. Si la base, dessiner avec la calligraphie, est une constante dans mon travail, il est important qu’il y ait une évolution au fil du temps. Cela se traduit de toile en toile par l’ajout d’effets supplémentaires que l’on ne distingue pas au premier regard. Surtout, j’ai accepté d’associer ma calligraphie à d’autres éléments, comme le drip par exemple, pour apporter de la matière, de la texture…, ce que je ne m’autorisais pas auparavant.

Cela a-t-il été difficile à accepter ?
J’avais surtout peur de perdre l’essence même de mon travail, mais, au final, je crois que cela souligne davantage la calligraphie et rend l’ensemble encore plus vivant.

Comment expliques-tu que ton travail fasse le buzz sur Internet, notamment tes vidéos, avec, pour certaines, plus de 20 millions de vues sur TikTok, plus de 7 millions sur Instagram… ?
C’est en partie dû à la qualité des vidéos, mais aussi à leur contenu. Axées sur ma façon de travailler, elles dévoilent d’abord des traits, des mouvements… l’œuvre finale n’apparaissant qu’à la fin. Je crois aussi que beaucoup aiment regarder la gestuelle calligraphique pour son côté satisfying, apaisant, tout en se disant que je fais n’importe quoi, jusqu’au moment où ils découvrent le résultat : un visage ou un portrait d’animaux. Au-delà de la reconnaissance de mon travail, cela me conforte dans l’acharnement que j’ai mis à être présent sur les réseaux sociaux et leur force de frappe phénoménale. Il est gratifiant de voir que tu es suivi par des millions de personnes à travers le monde, anonymes ou célèbres, issues d’univers différents. Surtout, je me réjouis que ce buzz rejaillisse sur les potes à chaque fois que je fais une collab !

Comment et pourquoi es-tu venu aux sérigraphies ?
Le fruit d’une très belle rencontre avec L’Apothicaire, qui connaissait mon travail, lors d’un festival d’Art Urbain à La Motte-Servolex. Il m’a proposé de me faire découvrir la sérigraphie, un processus artisanal très intéressant que je ne connaissais pas et qui m’a séduit… autant que le mode de fonctionnement de L’Apothicaire, comme moi méthodique et méticuleux. Je me suis ainsi rendu plusieurs fois dans son atelier afin de réaliser avec lui les premières sérigraphies, toutes rehaussées. Une petite révolution qui a permis de rendre mon art accessible au plus grand nombre ! Elephant rage, la première sérigraphie que nous avons sortie, a ainsi été sold out en trois jours, ce qui nous a totalement surpris !

Est-ce important pour toi que ton art soit accessible ?
C’est fondamental ! Tout le monde ne peut pas se payer une toile ! Toutes mes sérigraphies, toujours des éditions limitées disponibles deux à trois fois par an, sont numérotées, signées et rehaussées à la main. Chacune est donc une œuvre unique. J’ai d’ailleurs passé pas mal de temps sur la rehausse du portrait de Caly… Je propose également des prints digitaux, photographies prises par un photographe de toiles difficiles à réaliser en sérigraphie, et des prints numériques, mais en très petite quantité.

En parlant d’art accessible, pratiques-tu toujours le light painting ?
Absolument, un art éphémère puisqu’il ne reste que la photo. Prendre mon appareil, deux lampes, un trépied, pour aller passer une bonne soirée au bord d’un lac avec ma chérie et claquer une belle photo me rend heureux. Et bien que je n’ai pas beaucoup fait évoluer mes outils, je ressens mieux la technique grâce à des années de calligraphie. Cette confiance en mes lampes et mon mouvement me permet de ne plus hésiter, de changer d’angle… Je sors ainsi mes photos en une seule prise, sans appliquer ensuite la moindre retouche. Devant mes Phenix, j’espère que les gens s’arrachent les cheveux en se demandant comment j’ai fait. Pourtant, cette discipline peine encore à être reconnue à sa juste valeur, alors qu’elle est totalement magique…

Tu multiplies d’ailleurs les projets différents…
Je viens de réaliser le M.U.R. de Tours où j’ai reçu un accueil merveilleux par une équipe au top, devant laquelle j’ai même fait une démonstration de light painting. Et, lors du vernissage de ma fresque, l’association Cypher Spirit est venue faire une démonstration de danse hip-hop. D’excellents souvenirs… comme ceux engrangés lors de ma participation au festival Upaint, à Monaco, clairement pas un vivier d’Art Urbain [rire]. Un honneur d’avoir été choisi, de peindre sur la promenade du Larvotto – un cadre exceptionnel –, de rencontrer les 11 autres artistes internationaux – comme une nouvelle petite famille avec qui échanger –, de montrer son art à un public différent, notamment le Prince Albert II, et de soutenir des actions philanthropiques. En effet, les œuvres créées ont été mises aux enchères à l’Hôtel des Ventes de Monte-Carlo et les bénéfices ont été reversés à la fondation Prince Albert II et à la S.P.A. pour la construction d’un nouveau refuge pour les animaux.

Quelles étaient les contraintes ?
Le thème d’abord, les animaux domestiques. Même si l’équipe du festival n’impose rien aux artistes, j’ai choisi de représenter un chat, un joli parallèle avec le festival Les Chats de Gouttières que l’on a créé mes parents et moi à Gouttières, une commune rurale d’environ 320 habitants. Le support ensuite, un panneau de 4 mètres sur 2 sur lequel sont disposées des toiles. J’ai choisi de réaliser un gros plan de face pour davantage d’impact, travaillé comme un diptyque – une partie sur chacune des deux toiles de 120 x 80 cm –, et peint un fond sur le panneau, une « vague » de calligraphie bleue avec des splashes, des drips… pour donner du mouvement. Ainsi, les toiles peuvent être vendues séparément, ensemble ou même avec le fond.

Comment est né le festival Les Chats de Gouttières ?
Mes parents habitent ce village d’Auvergne en plein cœur des Combrailles, qui a commandé puis installé devant la mairie une sculpture de chat taillé dans du mélèze. L’idée de créer un festival autour de ce chat a ensuite germé… Sans moyen, la première année, nous avons invité uniquement quelques potes. Nous ne nous attendions pas à un tel écho ; nous avons même eu un article dans Le Monde. Depuis, le village est célèbre pour ses fameux chats – puisque certaines façades sont toujours visibles, d’autres sont rénovées –, et attire désormais de nombreux visiteurs. Outre les façades, nous peignons également sur des palettes de bois, d’anciennes portes… que l’on dispose un peu partout dans l’esprit chasse au trésor.

Quand aura-t-il lieu ?
Du 1er au 4 août, et ce sera la troisième édition. L’objectif : peindre de nouvelles façades sur le thème du Chat, avec Rino, Repy, Topaz et Esor.

Souhaites-tu que ce festival prenne de l’ampleur ?
Pourquoi pas, à condition de disposer du budget adéquat, ce qui nous permettrait d’inviter des artistes dont on admire le travail, mais sans pour autant dénaturer le village en imposant des chats partout ! Égayer le village d’accord, mais sans en faire trop.

Je crois que tu prépares également une exposition…
Effectivement, accompagné par ma galeriste Martine Reynaud de la galerie l’Arbre de Jade, je prépare ma prochaine expo pour octobre qui, pour la première fois, aura lieu sur mes terres, à Clermont-Ferrand, au Supreme Studio, le spot flambant neuf de notre crew Supreme Legacy. Et toujours dans un esprit de partage, les copains pourront accrocher quelques œuvres s’ils le souhaitent.

Que vas-tu y présenter ?
Quelque chose de différent, plus intimiste et accessible, principalement des dessins originaux de formats différents, tous encadrés, afin que les Auvergnats qui me suivent depuis longtemps puissent se payer une œuvre originale. Je proposerais également quelques toiles pour varier le support, peut-être une sérigraphie en édition limitée et quelques tirages de light painting pour faire connaître la discipline.