Menu
Galeriste

JOËL KNAFO Une vision poétique de l’Art Urbain

Depuis 2014, ce galeriste venu du monde de la communication présente le travail d’une famille artistique qui ont en commun une recherche s’éloignant souvent des codes d’un art urbain parfois un peu trop calibré.
Par Christian Charreyre

Art Urbain ou art contemporain ?

Pour Joël Knafo, la distinction n’a pas autant de sens
que certains l’affirment ou le souhaiteraient. Si les artistes qu’il représente ont tous un rapport avec la culture citadine et l’espace public, ils sont aussi engagés dans des recherches artistiques très personnelles. Vous n’avez pas toujours été galeriste… Non, dans une vie précédente, je dirigeais des
entreprises de communication. J’ai cédé mes sociétés en 2012, je ne savais pas trop ce que j’allais faire. J’ai aidé une amie artiste qui ne savait pas comment développer son activité. J’y ai pris goût et j’ai ouvert la galerie en 2014. Pour le dire simplement, c’est un défi d’entrepreneur. Mais pour se lancer, mieux vaut ne pas avoir conscience de ce que c’est ! [rires]

Vous êtes-vous immédiatement positionné sur l’Art Urbain ?

Pas vraiment… mais très rapidement. Quand j’ai démarré, je n’avais aucun contact, ni dans le milieu des artistes, ni dans celui des collectionneurs. J’ai monté un projet qui m’a propulsé dans le monde de l’Art Urbain, le livre d’art Figure, dans lequel j’avais réuni dix artistes français et étrangers, de plusieurs générations, des émergents et des confirmés, de Jacques Villeglé à Speedy Graphito en passant par Hervé Di Rosa. Ce projet a remporté un certain succès. Le marché de l’Art

Urbain est-il différent de celui de l’art contemporain ?

Nous sommes d’abord face à un sujet qui touche une base beaucoup plus large que l’art contemporain. L’Art Urbain draine un public qui n’est pas nécessairement celui qui fréquente les expositions et les galeries. Un public plus populaire, dans le bon sens du terme, qui s’intéresse à un art qui lui parle, qui le touche. Il n’a pas besoin d’une notice de cinquante pages pour comprendre ce qui se cache derrière une œuvre. Plus récemment, il y a un public de collectionneurs qui ne se
pose pas la question de savoir si c’est de l’Art Urbain quand il achète une œuvre mais qui, comme beaucoup de collectionneurs, suit une ligne.

L’Art Urbain est-il toujours accessible, aux deux sens du terme, financièrement et culturellement ?

Pour l’aspect culturel, tout dépend des artistes. Un Lekou un Romain Froquet sont totalement dans l’abstraction pure et dure. On ne rentre pas immédiatement dans leur œuvre, une médiation est nécessaire. Mais c’est une médiation autour de l’abstraction en général, il n’y a pas de grande difficulté. Au sens financier, c’est très variable. À la galerie, le « panier moyen » se situe entre 3.000 et 5.000 euros, même si les prix peuvent monter pour les plus grands formats. Donc oui, l’Art
Urbain reste abordable.

 

Vous représentez aujourd’hui plusieurs artistes reconnus de la scène urbaine. Comment les avez-vous convaincus ?

Ce sont des artistes reconnus… aujourd’hui. Mais en 2014, ce n’était pas le cas. Il existait déjà des galeries spécialisées dans l’Art Urbain, mais elles étaient moins nombreuses. Quant aux artistes, ils n’avaient pas beaucoup de visibilité. Quelqu’un comme Levalet, qui a participé au livre, était à l’époque un tout jeune artiste et n’avait pas encore grand chose à son actif. Jo Di Bona venait de la musique mais faisait ses premiers pas dans le graffiti. Philippe Hérard ne venait pas de l’Art Urbain, il y est venu presque par hasard, ou par nécessité.

Accordez-vous toujours une place aux artistes émergents ?

Il y a toujours un renouvellement dans l’Art Urbain, heureusement, c’est comme cela que les choses avancent. Mais, dans mon approche, je ne peux pas travailler avec beaucoup d’artistes, afin de consacrer à chacun le temps et l’énergie disponible. Et là, à une ou deux places près, je suis au maximum de ce que je peux faire. De fait, je bloque les nouveaux entrants, en sachant que, quand j’ai commencé, j’ai fait le pari de suivre des émergents. Cela ne veut évidemment pas dire que je
ne regarde pas, mais je suis limité.

 

Les artistes que vous représentez sont-ils présents depuis les débuts ?

Certains oui mais pas tous. Quelqu’un qui nous a rejoint plus tard, comme Bom K., était déjà reconnu dans l’art contemporain. Mais pour tous, c’est un accompagnement sur la durée. Je fais partie des galeristes qui pensent que l’exclusivité ne se décrète pas. Il faut regarder les projets à chaque fois et se demander si cela vaut la peine d’y aller, ou pas. Si c’est juste refaire une expo pour faire une expo,cela n’a aucun intérêt. Nous avons tout à gagner à être intelligents.

 

Comment définissez-vous votre rôle de galeriste?

Le galeriste doit être impliqué dans l’écosystème, au-delà du seul accrochage des œuvres sur les murs. Quand j’ai réalisé le livre, je voulais que le Street Art gagne ses lettres de noblesse. Sortir un livre d’artiste,comme Picasso, Matisse, Chagall ou plein d’autres l’avaient fait, cela avait du sens, à ce moment-là. Il n’y en avait jamais eu dans cet univers et cela a eu un certain retentissement.
Vous avez une vision élargie de l’Art Urbain… Aujourd’hui, la distinction est purement marketing. C
’est une segmentation. Plutôt que de toucher tout le public de l’art contemporain, je vais viser celui de l’Art Urbain. Avec le livre, j’ai réuni des artistes qui n’avaient pas l’habitude d’être ensemble. Hervé Di Rosa ne venait pas de la scène urbaine, mais son travail autour de tout ce qui est civilisation, structure, mélange, a du sens par rapport à l’Art Urbain. Les codes ne sont pas si différents. Au-delà, il y a autant de démarches que d’artistes. Le véritable lien, car il y a quand même un sens, c’est le rapport à l’espace public, la capacité à s’insérer dans celui-ci et à avoir un effet « sans-filtre » sur les spectateurs. Ce n’est pas une institution qui a décrété que l’œuvre valait la peine, qu’elle avait un intérêt, quelle méritait d’être présentée dans de bonnes conditions, avec
les bonnes lumières, la bonne médiation. Une œuvre urbaine, chacun la voit ou ne la voit pas, l’artiste ne provoque rien à part une émotion, un rire,un amour. C’est ce que je trouve intéressant dans cet univers.

[button color= »white » size= »normal » alignment= »none » rel= »follow » openin= »samewindow » url= »https://phoenix-publications.com/produit/urban-arts-magazine-6/ »]Acheter [/button]