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Rencontre

Les icônes de Hush subliment la figure féminine

Nourri de culture urbaine et de sa passion pour l’Asie, Hush a développé un style à l’esthétique très personnelle, proposant une synthèse du portrait entre Orient et Occident, tradition et modernité.

Hush aime à cultiver le mystère, à l’image de son pseudonyme – que l’on peut traduire par « chut » – suggérant que ses œuvres s’observent en silence, offrant des émotions sans avoir besoin de mot. Avec leur sensualité discrète et leur charme aussi exotique qu’universel, il est vrai que les portraits féminins de cet artiste britannique ne laissent pas le spectateur indifférent. Derrière l’impact visuel, Hush fait appel à un travail complexe et original de superposition de couches de peintures acryliques et de bombe aérosol, d’impressions sérigraphiées, de pochoirs et d’encres superposés, produisant un étonnant effet de collage et un subtil équilibre des couleurs, entre le noir, le blanc et les nuances les plus vives, pour créer des contrastes saisissants.

Qu’avez-vous retenu de vos études à la Newcastle School of Art and Design ?
J’ai acquis beaucoup de connaissances et de compétences qui ont influencé mon parcours artistique. J’y ai aussi découvert l’importance de l’expérimentation et du dépassement des limites artistiques, en explorant différents supports et concepts. L’école encourageait la pensée critique, la recherche et la compréhension du contexte. C’était le début de la scène rave au Royaume-Uni et je réalisais beaucoup de prospectus pour les soirées des clubs de mes amis. C’était génial car ce que je faisais était totalement expérimental et excitant. Une grande fête. Dans l’ensemble, mon passage à l’école d’art a nourri ma passion pour l’expérimentation et l’échange, façonnant ainsi ma pratique artistique et ma vie. Comme j’aimais faire mes propres expériences, je pense que je dérangeais les professeurs, même si je m’entendais bien avec eux. J’ai été exclu du cours à plusieurs reprises, c’était une relation d’amour et de haine. Je travaillais dur, mais sur mon propre travail.

Comment vos voyages en Asie ont-ils inspiré votre travail ?
J’étais attiré par la riche diversité culturelle et les traditions artistiques vivantes de l’Asie. Je voulais réellement m’immerger dans cette culture et j’ai réussi à trouver du travail dans une agence de design au Japon. Ces expériences ont élargi ma vision du monde et m’ont incité à intégrer l’esthétique asiatique dans mon art. Cette esthétique a donné naissance à mon langage visuel, qui a évolué au fil du temps. Au-delà de l’art, mes voyages m’ont permis de découvrir de nouvelles perspectives et de nouveaux modes de vie, d’embrasser différentes communautés et de découvrir ce mélange de tradition et de modernité.

La figure féminine – votre sujet principal – est-elle différente dans l’art oriental et dans l’art occidental ?
Je ne suis pas expert en la matière mais il est important de comprendre qu’il existe une diversité au sein de chaque tradition artistique. Dans l’art occidental, la représentation de la figure féminine a toujours été influencée par les idéaux classiques de beauté. Le concept de beauté idéalisée a évolué au fil du temps, mais l’art occidental a souvent représenté la forme féminine comme un objet d’admiration et de sensualité. En Orient, particulièrement dans les cultures asiatiques traditionnelles, l’accent a toujours été mis sur le symbolisme et la spiritualité. La représentation des femmes véhicule souvent des notions de tranquillité, de modestie et de force intérieure. Bien sûr, ce sont des généralités car il existe de nombreuses exceptions.

La représentation de la figure féminine a-t-elle évolué ?
Ces dernières années, nous avons assisté à une prise de conscience et à une pression accrues en faveur de représentations plus diversifiées et plus inclusives de la figure féminine. Les artistes remettent en question les normes conventionnelles et explorent un plus large éventail de récits et d’identités. Ainsi, la représentation de la figure féminine dans l’art est influencée par des contextes culturels, historiques et sociaux, et c’est un sujet dynamique et évolutif qui continue d’être réinterprété par les artistes.

Au-delà des visages, vous accordez une attention particulière aux vêtements et aux tissus. D’où vient cet intérêt ?
Il ne s’agit pas vraiment de tissus ou de vêtements, c’est juste une partie de l’œuvre. Les motifs, les textures et les couleurs ajoutent de la profondeur et de l’intérêt visuel à mes œuvres, ce qui me permet d’explorer l’interaction entre l’abstraction, le symbolisme et la forme humaine. C’est aussi un bon moyen de raconter des histoires et d’exprimer notre culture. La rue, avec ces superpositions éphémères de collages, de graffitis, d’affiches publicitaires qui vieillissent avec le temps, influence mon travail.

Comment votre pratique du graffiti s’est-elle combinée à votre approche plutôt traditionnelle du portrait ?
Même si j’ai baigné dans ce milieu et évidemment posé des tags, je n’ai jamais été un artiste du graffiti. Toute la classe ouvrière dont je viens a été imprégnée de cette culture de la rue, qu’il s’agisse de musique, de mode ou d’art. Et cela a toujours été une source d’inspiration pour moi. L’association entre le Street Art et l’art traditionnel, apparemment opposés, m’a permis de fusionner mon travail de rue et ma pratique en studio, et d’expérimenter de nouvelles techniques. J’ai pu ainsi développer un langage visuel propre, associant la maîtrise technique et le souci du détail de la peinture traditionnelle à l’audace et la spontanéité du graffiti. L’incorporation dans mes portraits d’éléments venus du graffiti, tels que les couleurs vibrantes ou les lettrages et les motifs abstraits, ajoute une touche moderne et contemporaine à mon approche traditionnelle.

Votre pratique se caractérise par un important travail sur la superposition…
Cette technique me permet de recréer l’esthétique des environnements urbains, où le temps et les différentes marques forment une riche tapisserie de couleurs, de formes et de récits. Tout comme les affiches et les graffitis se chevauchent et s’entrelacent, les couches multiples interagissent, apportant de la profondeur et de la complexité à mes œuvres. C’est une métaphore des couches d’histoires et de sens contenues dans l’œuvre d’art qui invite les spectateurs à découvrir les différents éléments de la composition et à s’y intéresser. Au-delà de l’intérêt visuel, elle renforce le lieu entre mon art et celui de la rue.

Travailler dans l’espace public, en particulier sur des fresques monumentales, apporte-t-il une autre dimension esthétique et sociétale ?
Travailler dans l’espace public permet de laisser une empreinte différente et me procure beaucoup de plaisir. C’est une véritable opportunité de créer des œuvres d’art percutantes qui touchent un public plus large. En travaillant sur différents formats et en adaptant mon style et mon approche à chaque échelle, je peux créer des œuvres d’art qui trouvent un écho auprès des spectateurs, quel que soit le format, tout en conservant l’essence de mon style. Je trouve que mon travail passe très bien du grand au petit format, sans compromis. Et cela me pousse à toujours aller de l’avant. J’aime bien progresser.

Quelle est votre relation avec la France ?
J’ai un peu de sang français dans mon ADN. À part ça, j’aime ce pays magnifique et très créatif, mais aussi ses habitants, du nord au sud. En 2019, j’ai été invité à réaliser une peinture murale dans le XIIIe arrondissement de Paris, ce qui a été un grand honneur pour moi J’ai eu la chance de faire une exposition à la galerie Itinerrance en septembre 2020, juste avant que tout ne se soit bloqué en raison de la pandémie. C’était formidable de partager mes œuvres avec le public français, même au milieu des restrictions et des incertitudes de la crise mondiale. C’était un témoignage de la résilience et de la détermination de la communauté artistique et de notre capacité collective à nous adapter et à continuer.

À voir
Hush reviendra à Paris pour une exposition à la galerie Itinerrance début 2024.
Galerie Itinerrance
24bis boulevard du Général Jean Simon 75013 Paris
itinerrance.fr
Instagram : @galerie_itinerrance

Instagram : @hushartist