Si l’expression « musée à ciel ouvert » est souvent utilisée, la cité occitane en a fait sa marque distinctive. À juste titre, tant les fresques font aujourd’hui partie intégrante de la ville.

Si Sète est, pour certains, la patrie de Brassens et de Paul Valéry et le décor de « Candice Renoir », pour d’autres, elle s’est aussi imposée comme une destination incontournable pour les amateurs d’Art Urbain, avec plus d’une quarantaine de fresques – dans une ville d’un peu moins de 45.000 habitants ! –signées de C215, Seth ou Andrea Ravo Mattoni, entre autres. Le mérite en revient à l’équipe de passionnés qui organise le K-Live Festival, invitant chaque année de nouveaux artistes à laisser leurs traces sur les murs.

Plus de 40 fresques
« Le festival K-Live a vu le jour en 2008, à l’initiative d’un photographe de Montpellier passionné de Street Art. À l’époque, à Sète, il n’y avait rien, ou presque, à l’exception de quelques graffitis vandales. Mais on sentait que les choses étaient en train de changer, que l’Art Urbain illégal était en train de s’anoblir. Nous avons eu envie de participer l’évolution de ce mouvement artistique majeur, en invitant des artistes, en moyenne trois chaque année… le nombre dépendant de nos moyens », retrace Crystel Labasor, directrice artistique du K-Live. Ainsi, à chaque nouvelle édition, plusieurs œuvres viennent s’ajouter au MaCO, « musée à ciel ouvert », en clin d’œil au MAM et autres MoMA. Si les œuvres ont vocation à perdurer, elles ont une vie propre, ce qui est l’âme de l’Art Urbain. « S’il reste aujourd’hui 42 fresques visibles dans la ville, plus de soixante ont été réalisées au fil des ans. Les murs évoluent, au gré des interventions urbaines, des démolitions, des ravalements ».



4. C215, 2012.
5. Ratur & Sckaro, 2018.
Une grande diversité
Les fresques sont le reflet de l’éclectisme de la création artistique urbaine. L’équipe du festival est attentive à être la plus ouverte possible : « Dès le début, notre volonté était d’offrir le plus de poésie possible dans l’espace public, en toute humilité. Nous sommes intéressés par tous les styles, toutes les techniques – peinture, pochoir, collage, sculpture… – et tous les artistes, aussi bien une personnalité internationalement reconnue qu’un artiste local émergent ». L’un des charmes du MaCO tient également à la parfaite intégration des œuvres dans la ville. Un point important pour Labasor : « Je crois réellement que le mur appelle l’artiste. Lorsque nous trouvons un lieu, nous nous demandons avec qui il pourrait matcher. L’abstraction géométrique d’un Jan Kaláb ne se pose pas à la même place que les Gouzous de Jace. Quand Spogo est intervenu par exemple, il a pris en compte l’urbanisme autour de lui, notamment les couleurs, afin que son mur fasse s’intègre dans l’environnement ».

Liberté artistique
Lorsque l’intervenant idéal pour un espace s’est imposée, c’est à l’artiste de jouer. « C’est une règle, nous lui laissons totalement carte blanche pour l’œuvre. Si nous l’avons retenu, c’est que nous aimons son travail et que nous lui faisons totalement confiance. Jusqu’à présent, nous n’avons jamais eu à présenter un avant-projet. Quand la façade appartient à un particulier, nous leur proposons juste deux artistes et ils choisissent celui qu’ils préfèrent ». En matière d’Art Urbain, l’emplacement est ainsi presque aussi important que l’œuvre elle-même. Et c’est la mission des équipes du K-Live. « Pendant longtemps, nous avons arpenté les rues de notre ville pour identifier des façades pouvant recevoir des fresques. Depuis plusieurs années, nous sommes aussi sollicités par des propriétaires privés qui nous proposent leurs murs, comme ceux qui ont accueilli Jace l’année dernière. Il arrive également que la municipalité nous fasse des suggestions, mais sans aucune obligation d’intervention ».

Une richesse pour la ville
Si cette initiative a pris une telle ampleur, c’est aussi parce que la municipalité a très vite adhéré au concept. « Sète est une ville qui a une forte relation avec l’art et plus particulièrement avec la peinture. Évidemment, comme pour tout projet qui se crée, il a fallu faire nos preuves. Mais, dès 2008, nous avons reçu l’autorisation d’intervenir sur des façades. La ville nous a accompagné financièrement, mettant également à notre disposition des moyens techniques. Depuis, elle nous soutient fidèlement », souligne Crystel Labasor.
L’Office du Tourisme a pris conscience de l’intérêt de cette initiative pour l’attractivité de cette destination prisée. Des visites Street Art sont ainsi organisées régulièrement. Marion Beauchard est l’une des trois guides qui accompagne les amateurs pour un parcours de 1h30 à 2h. « On ne peut pas voir toutes les fresques, le parcours d’environ 2 kilomètres, accessible à tous, même aux plus jeunes, se concentrant sur les œuvres du centre-ville, environ une dizaine, dont celles de Codex Urbanus, C215, Mademoiselle Maurice… On croise aussi les petites figurines d’Isaac Cordal ». Des visites gratuites sont proposées dans le cadre du festival, mais également toute l’année, pendant les vacances scolaires, séduisant un public varié. « Il y a des touristes curieux, bien sûr, mais aussi des amateurs d’Art Urbain, qui font les spots des différentes villes. Et, ce qui nous satisfait beaucoup, des Sétois, qui voient les œuvres au quotidien et qui souhaitent, je pense, se les approprier. Dans l’année, nous travaillons aussi beaucoup avec des groupes scolaires, sur demande des instituteurs, avec des enfants de tous les âges, de la maternelle au lycée, et même des BTS et des étudiants. C’est très intéressant, il y beaucoup d’échanges, les œuvres incitant à la discussion ».

Et ce n’est pas fini…
Par nature, le MaCO est un « work in progress », avec de nouvelles œuvres à venir. « Ce n’est pas la quantité qui nous motive mais ce qui fait sens. Et il y a encore tellement de choses à faire ! Nous avons d’ailleurs toujours des murs en attente. Ces dernières années, nous nous sommes éloignés du centre-ville pour aller vers les quartiers périphériques », précise Crystel Labasor. En attendant les nouveautés de la prochaine édition du K-Live, nous sont curieux de savoir si nos deux interlocutrices ont des préférences ? « C’est une question difficile. Elles sont toutes superbes, mais j’aime bien celle de Seth, qui évoque l’enfance, et les petits personnages colorés de Jace. Je trouve que l’Origami en métal de Mademoiselle Maurice est très réussie esthétiquement », réagit Marion Beauchard. Quant à Crystel Labasor, elle refuse de choisir, même si elle a « une affection toute particulière pour Madame, l’artiste comme l’être humain. Alors, je vais lui faire ce petit clin d’œil ». Le mieux est sans doute d’aller se faire une opinion personnelle sur place.
À voir
K-Live
Du 27 mai au 2 juin 2024
k-live.fr
Instagram : @klivefestival