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Rencontre

Ruse Bad célèbre la force et la beauté intérieures

Porteur d’un message d’espoir et d’émancipation, le travail de Ruse Bad associe lettrage et personnages féminins livrant un patchwork de réflexions et d’émotions qui nous invitent, pour quelques instants, à plonger dans un moment de vie. 

Ruse Bad : @ruse_bad

Au cours des années, le lettrage que Ruse Bas pratiquait en vandale dans la baie de Californie s’est agrémentée de figures féminines, célébrant ainsi la beauté et la force de toutes les femmes du monde. Explorant les sentiments que lui inspire ce qui l’entoure, débats d’ethnie, de genre, de société, de classe mais aussi souvenirs de son parcours de graffeuse, de femme et de mère, ses rencontres et ses voyages, l’artiste livre, à travers un univers coloré, une œuvre puissante, tant visuellement que symboliquement, à la découverte des forces vitales et signifiantes qui se tapissent en chacun de nous.

Comment êtes-vous venue au graffiti ? Et qu’est-ce qui vous a séduit ?
J’ai grandi dans une petite ville perdue dans la région des Four Corners du sud-ouest des États-Unis, à plusieurs heures de route des grandes agglomérations. Ce n’est qu’après mes études, lorsque j’ai déménagé en Californie, que le graffiti est entré dans ma vie. Ce déménagement m’a ouvert les yeux sur un monde qui m’était « inconnu », notamment le graffiti. J’ai été émerveillée de voir tous ces noms, formes, motifs… peints dans l’espace public. Un soir, un ami m’a emmenée taguer et cela a tout changé pour moi. La montée d’adrénaline entre l’excitation et le risque de se faire prendre n’a rien de comparable. Cette forme d’expression m’a fascinée instantanément. Je peignais alors plusieurs soirs par semaine dans toute la région de la Baie de Californie. C’est lors de cette période que j’ai rencontré d’autres graffeurs qui m’ont poussée à explorer d’autres lieux.

Pourquoi avoir choisi Ruse Bad comme blaze ?
J’ai choisi RUSE pour l’harmonie des lettres, un facteur important lors du choix d’un blaze. BAD n’est arrivé qu’en 2016, lorsque j’ai rejoint le crew BAD de New York City. Jusqu’alors, j’étais Mlle Ruse. Plus récemment, j’ai réalisé qu’avec mes Bad Beauties, ce nom a pris une autre signification. Au-delà de leur apparence, ces femmes sont puissantes, fortes et capables de tout. Le revolver que tiennent parfois mes personnages représente la force intérieure que chaque femme possède et non une arme à feu létale.

En quoi marquer son nom dans l’espace urbain était-il important ? Est-ce toujours important aujourd’hui ?
C’était et c’est toujours excitant de graffer son nom dans l’espace public car c’est l’essence même du graffiti. Ainsi, où que j’aille, je pose systématiquement RUSE BAD dans la rue, que ce soit un tag, un throw-up, un sticker… J’ai la chance de vivre dans une région où l’on peut s’exprimer dans la rue sans problème alors je pratique aussi aussi souvent que possible. Pour autant, ayant développé un travail d’atelier à l’acrylique depuis plusieurs années déjà qui prend beaucoup de temps, il est parfois difficile de s’échapper pour une session en mode freestyle.

Comment s’inscrit votre travail d’atelier dans votre pratique artistique ?
Mon travail est fortement influencé par les années 1980, les créations de certains artistes et ce qui m’entoure. Outre les plantes, mon atelier est d’ailleurs plein d’objets, de bibelots, de photos… collectés au fil des années. J’aime m’entourer de couleurs vives et de motifs amusants. Mon parcours, mes expériences de vie et mes souvenirs ont ainsi une grande influence sur ma vie personnellement et ma pratique artistique. Il est primordial pour moi, juste en regardant ce qui m’entoure dans cet espace de travail animé et en constante évolution, d’être transportée ailleurs, que ce soit un autre lieu ou un moment passé. C’est ce qui m’inspire et me sécurise dans la création.

Outre le lettrage, pourquoi avoir introduit la figure féminine dans votre travail ?
Le lettrage, en soi une « déclaration » puissante et audacieuse, ne me permettait cependant pas de transmettre simplement mes réflexions et mes émotions. J’ai donc choisi d’intégrer une figure féminine qui puisse représenter toutes les femmes, d’où qu’elles viennent. En créant les Bad Beauties, les œuvres me semblent ainsi visuellement non seulement puissante mais aussi inspirante et émancipatrice. Et j’espère que les spectateurs le ressentent

Qui sont vos modèles ?
Des femmes de tous horizons, celles que je croise ma vie quotidienne, celles que j’imagine aussi… Mes Bad Beauties ne sont pas une seule femme mais un mélange de toutes les femmes du monde, de régions et de cultures différentes. J’essaye d’intégrer leurs différentes caractéristiques physiques identifiables pour créer mes personnages. Ainsi, chacune peut être n’importe quelle femme, toi, ta mère, ta sœur… Du moins, c’est ce que j’espère.

Comment choisissez-vous les couleurs, souvent explosives, pour vos œuvres ?
L’arrière-plan est la partie la plus importante de mon travail, celle qui prend le plus de temps à réaliser. Chaque couleur doit trouver sa place sur le support, un processus créatif qui peut être assez long. Lorsque je peins l’arrière-plan, je crée la beauté intérieure que possède le sujet. Et j’ai tendance à privilégier des couleurs vives et éclatantes ainsi que des teintes néon, car, pour moi, ces couleurs expriment la puissance et la force. Audacieuses, magnifiques, vibrantes, captivantes et pleines d’énergie, les couleurs insufflent la vie dans l’œuvre. Et tout comme les couleurs que j’utilise, chaque femme est unique, audacieuse, magnifique, vibrante, captivante et pleine d’énergie. Ce sont elles qui insufflent la vie dans ce monde.

Est-ce important pour vous de travaillez différents supports (toile, mur, métal, plan de métro…) ? Avez-vous une préférence ?
Bien que la majorité soient sur toile, ‘apprécie de créer sur différents supports, papier, bois et métal, notamment des panneaux de signalisation – « Propriété Privée » ou « Stationnement Interdit » – mais aussi wagon, camions, fourgonnettes… Le support que je choisie dépend de ce que j’ai envie de créer. D’ailleurs, je réalise également des pièce textiles comme des sacs à main, des chapeaux ou des vestes en denim. Il est important pour moi de multiplier les supports afin de partager son travail de diverses manières à avec le plus grand nombre.

Quel message souhaitez-vous faire passer dans vos œuvres ?
Plus que tout, des valeurs et des émotions ! Mon souhait est que le spectateur soit ému, que sa gorge se serre voire même que des larmes de joie pointent aux coins de ses yeux. Et j’espère que mes œuvres parlent à tous, femmes et hommes, car elles leur disent : « tu es beau-belle, tu est fort-forte, tu es capable de tout… tu est une Bad Beauty ». Si je peux faire en sorte qu’une personne se sente mieux dans sa peau avec mon travail, alors j’aurais atteint mon objectif.

L’âme du graffiti est-elle toujours présente dans votre travail ?
Le graffiti fera toujours partie de mon travail. Bien qu’il est évoluer, il est et restera la base de mon style artistique. D’ailleurs, il est souvent associé à mes Bad Beauties…

Comment qualifierez-vous votre style ?
Mon style se situe quelque part entre l’Art Urbain et le Pop Art, avec une touche de surréalisme. Il intègre néanmoins de nombreux éléments différents selon mon humeur et le sentiment que je veux transmettre.

Quels sont vos projets ?
Actuellement, je travaille sur de nouvelles œuvres, influencées par mon récent séjour à Paris. Je suis enthousiaste à l’idée de mettre mes inspirations sur toile au cours des prochains mois. De même, je suis impatiente de voir l’étiquette que j’ai réalisée sur l’édition limitée d’un cru californien, celui du domaine Tank Garage Winery situé à Calistoga, qui devrait être commercialisée dès février 2024. Enfin, 2024 est une année excitante et plutôt chargée pour moi avec des expositions prévues aux États-Unis et à l’étranger, des voyages, dont une tournée de graffiti à travers l’Amérique du Nord au début du printemps avec Sonic BAD… sans oublier mon travail d’atelier nourri de toutes ces nouvelles expériences.

A quand une exposition en France ?
Seul le temps le dira… le plus tôt j’espère ! L’idée d’une exposition en France, ou ailleurs, est séduisante. J’ai d’ailleurs une vaste collection d’œuvres qui couvrent ma carrière artistique et je crée de nouvelles œuvres de manière constante… que j’ai hâte de partager avec les amateurs du monde entier.