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Rencontre

SENY : des portraits au-delà des apparences

Bien plus que de simples portraits, la peinture de Seny, qui vient de l’intérieur et s’exprime avec une intensité émotionnelle stupéfiante, nous offre de véritables tête-à-tête tant chaque figure bouleverse, tourmente même parfois.

Instagram : @seny_mfth

Le travail de Seny, artiste talentueux de seulement 18 ans, puise aux sources de l’enfance, un monde d’émotions et d’innocence avec ses peurs et ses audaces, ses douleurs et ses joies, sa douceur et sa violence… La puissance des regards qui nous harponne et dans lequel on plonge notre propre regard révèle toute la sensibilité de l’artiste. S’instaure alors un « dialogue » sans paroles entre le spectateur, le sujet et le peintre dans lequel les émotions remplacent les mots. Devant ces portraits où visages, regards et corps à la veine figurative s’expriment à travers la matière, le temps semble comme suspendu tant les sentiments peints suscitent en nous la plus vive des fascinations. En fusionnant ainsi figure et fond, formes et matières, traits vifs et touches généreuses… avec le support, Seny livre un langage visuel narratif à la fois original, incisif et bouleversant dans une recherche de vérité au-delà du visible.

Peindre était-il pour toi inévitable ?
Je baigne dans l’art depuis que je suis petit… Au début, je regardais les artistes peindre autour de moi, notamment lors du Vitry Jam. Et, en grandissant, j’ai su que j’avais quelques facilités. Je ne dirais pas que peindre était inévitable mais cet environnement y est nécessairement pour quelque chose.

A aucun moment tu n’as imaginé un autre avenir ?
Je me suis toujours vu évoluer dans l’art, quel que soit le domaine, illustration, design… bien que la peinture m’ait toujours davantage attiré, alors que c’est aussi le domaine le plus compliqué.

Et pourquoi avoir choisi la rue, le pochoir ?
La rue pour faire comme les artistes que j’admirais quand j’étais petit et le pochoir simplement parce que c’est ce que beaucoup de street artistes utilisent pour intervenir rapidement sur les murs, une des techniques les plus simples notamment en termes de proportions. Si, quand j’ai commencé, je superposais jusqu’à une dizaine de layer, j’utilise désormais de moins en moins le pochoir, préférant peindre directement. Je me sens beaucoup plus libre en travaillant l’acrylique au pinceau, à la spatule, à l’éponge, parfois même avec mes mains…, sans oublier la spray. Je crois que cela apporte également davantage de sincérité à mon travail.

Une envie de tout essayer ?
Oui… J’ai commencé avec des matériaux de récupération trouvés dans la rue et qui avaient déjà un vécu. Pour moi, le support faisant partie intégrante de l’œuvre, je ne travaille pas sur toile, je suis d’ailleurs anti-toile, préférant d’autres matériaux comme le bois ou le métal qui me permettent d’être plus libre dans ma technique en jouant avec les textures. Par exemple, je rouille le métal artificiellement au chalumeau, avec des acides, des vernis… pour créer un fond assez « organique » qui rend l’œuvre vivante.

Pourquoi cette attirance pour le portrait ?
D’abord parce que j’ai toujours aimé le figuratif. Ensuite parce que j’ai besoin de retranscrire des émotions et que le portrait me semble plus adapté qu’un paysage. J’aime ainsi énormément représenter les yeux à travers lesquels passent les émotions. Une façon d’exprimer dans un effet miroir ce je ressens, la joie, la colère… Par pudeur, il m’arrive néanmoins de transmettre ces émotions à travers une position, des accessoires… pour être davantage dans l’attitude et non plus dans l’expression du regard.

Comment choisis-tu tes modèles ?
En fonction de l’intensité de leur regard et de leur attitude principalement. La photo me sert essentiellement de base de travail. Sur mes croquis, il m’arrive d’ailleurs de déformer les traits du visage, de placer une tête sur un autre corps…

Quelle dimension narrative intègres-tu à tes œuvres ?
Mes œuvres racontent une histoire dans leur globalité, à travers notamment une thématique, à l’image de ma série en cours sur les enfants des quatre coins du monde. Une façon de leur rendre hommage mais aussi de les aider à mon échelle puisque je reverse un pourcentage à l’association Les amis des enfants du monde. Un thème en écho à ce que je suis encore quelque part, un monde à la fois d’émotions et d’innocence sur lequel je porte mon regard, ce qui n’empêche pas de peindre des visages où pointe une certaine dureté, un regard d’enfant avec une émotion d’adulte… Certaines œuvres sont ainsi assez sombres voire violentes mais toutes représentent une réalité.

Sais-tu comment tu veux faire évoluer ton art ?
Il m’arrive parfois de « grandir » les enfants que je peins qui, comme moi, avancent dans la vie… Une thématique que je souhaite développer encore. Pour autant, je travaille également sur une autre série mais il est trop tôt pour en parler. L’évolution passe également par l’utilisation de différents outils, supports et médiums comme l’huile, l’encre, l’aquarelle, la craie, le feutre… que j’utilise déjà mais que je veux pousser davantage.

Pourquoi avoir intégré l’École Boulle alors que tu a déjà acquis une certaine reconnaissance ?
J’ai intégré l’École Boulle après le collège car je cherchais une formation aux métiers d’art. J’ai notamment suivi les cours de l’atelier d’ébénisterie pendant trois ans. Cette année, j’intègre la formation post-bac pour encore trois ans et j’ai choisi la sculpture sur bois comme atelier, afin de compléter ma pratique picturale personnelle, développer mes techniques… et passer au volume.

Comment vas-tu transposer ton travail en volume ?
Par le modelage, une technique avec laquelle je travaille déjà, de bustes, de visages… mais aussi par la tôle d’acier, l’alu, le bronze, le marbre, la pierre… sans oublier la sculpture sur bois que je découvre par ma formation. Des choix qui s’imposeront en fonction des propriétés techniques de chaque matériau et du temps que je peux consacrer à chaque projet.

Est-ce compatible avec des études à l’école Boulle ?
Avec 40 heures de cours par semaine, c’est assez compliqué… mais important pour moi !

Quel est l’impact des réseaux sociaux dans cette reconnaissance ?
Instagram est un outil indispensable où l’on partage dans l’instantané. C’est par ce biais que j’ai notamment été approché par des rappeurs, ce qui me permet aujourd’hui d’avoir des projets aux états-Unis.