À Houston, le cabinet de conseil d’Elia et Noah Quiles multiplie les projets ambitieux, transformant le paysage grâce à l’Art Urbain.
L’histoire d’Elia et Noah Quiles, fondateurs de UP Art Studio, est celle d’une passion artistique partagée, d’un engagement communautaire et de la conviction que l’art peut inspirer et transformer la société. Le duo texan, épaulé par les artistes Robin Munro, aka Dread ICR, Alexandre Serty, aka Serty31, le frenchy de l’équipe, œuvre dans l’espace public pour l’embellir mais aussi servir les communautés, stimuler la croissance économique et favoriser un tissu urbain plus riche et plus connecté.
Comment Noah et vous êtes tombés dans l’Art Urbain ?
C’est l’histoire de deux chemins distincts qui ont convergé. Noah a commencé à graffer dans les rues du sud de Chicago, en 1989, avec son crew CAB TFO. Cette expérience n’était pas uniquement pour se rebeller ou laisser une empreinte, mais plutôt une exploration de soi et de son identité. Le graffiti, souvent mal compris, était son moyen d’expression dans un paysage urbain animé. Ma trajectoire est plus traditionnelle. J’ai toujours été captivée par les différentes expressions de la créativité, de l’art classique aux œuvres contemporaines. Mais ce n’est qu’en 2005, à l’occasion d’un voyage en Europe avec Noah, que mes yeux se sont ouverts sur le monde dynamique et palpitant de l’Art Urbain. Dans les villes européennes, chaque œuvre racontait une histoire, révélant des perspectives sur les courants culturels et sociaux des lieux que nous visitions. Ce voyage nous a transformés… et planté la graine qui a finalement germé pour devenir UP Art Studio.
Quelle est le concept d’UP Art Studio ?
L’art public est fondamentalement ancré dans la passion, la créativité et l’engagement communautaire. En 2012, nos débuts furent modestes. Tout a commencé dans un espace gracieusement offert à Noah par son voisin et ami Miguel Machado, devenu un creuset pour nos projets. Nous y avons organisé des expositions mensuelles et peint des fresques. Une période cruciale pour affiner nos compétences et notre vision esthétique, mais aussi pour comprendre le pouvoir transformateur de l’art public au sein des communautés. En 2014, nous avons géré la création et la collecte de fonds d’une monumentale fresque de 1.000 m2 intitulée Preservons la Creation, de l’artiste franco-américain basé à Houston, Sebastien Boileau aka MrD1987. Ce projet, qui a duré 3 mois de sa conception à sa réalisation, salué comme « La Plus Grande Fresque de Houston », a prouvé notre capacité à gérer des projets de grande envergure, ambitieux et impactants. Ce succès nous a conduit à lancer en 2015 les Mini Murals – passant du maxi au mini –, qui transforment les armoires électriques de l’espace publique en œuvres d’art. À ce jour, plus de 400 célèbrent l’art à Houston et dans tout le Texas. Depuis, UP Art Studio a connu une croissance exponentielle, produisant des milliers d’œuvres à travers le pays. Chaque projet reflète notre mission : favoriser la « Fierté Civique par l’Art Civique ». Chaque œuvre est spécialement adaptée pour non seulement améliorer l’esthétique de l’espace, mais aussi résonner avec le tissu culturel et social de la communauté qu’elle sert. Notre approche, collaborative et holistique, implique des artistes locaux et internationaux, des membres de la communauté et des acteurs culturels dans le processus créatif. Cela ne serait pas possible sans le soutien de nos mécènes, de nos sponsors, à l’image du promoteur Jon Deal, et de nos clients.
Rahmaan Statik, Growing a Brighter Tomorrow, Matrix Theater Company, Detroit (© Mike Popso).
Quel est le rôle des membres de l’équipe ?
Au sein d’UP Art Studio, chaque membre de l’équipe joue un rôle crucial, apportant ses compétences et ses perspectives uniques. En tant que co-fondateurs, Noah et moi dirigeons le studio en combinant nos forces. Noah, fort de 35 ans d’expérience dans l’art de rue, est le moteur créatif de nos opérations. Sa personnalité engageante lui permet d’interagir efficacement avec divers groupes sociaux, d’attirer des financements et de gérer les relations avec les artistes. En tant qu’ex directrice marketing d’une société immobilière, j’assure la partie commerciale et administrative, ainsi que la communication. Robin Munro, aka Dread ICR, à nos côtés depuis longtemps, est une force dynamique, naviguant avec habileté entre la création et la logistique. Son expérience dans l’organisation d’événements et la gestion de projets en font un atout inestimable. Enfin, Alexandre Serty, aka Serty31, apporte sa vision unique et futuriste.
Pour quelles raisons les entreprises et les collectivités sponsorisent-elles des projets d’Art Urbain ?
Pour de multiples raisons, à commencer par la compréhension que l’art a le pouvoir d’enrichir la ville et la vie de ses habitants. L’Art Urbain a la capacité unique de revitaliser les espaces publics, favorisant dans le même temps le développement économique. Les projets d’art public agissent en effet souvent comme des catalyseurs pour la croissance du tourisme et du commerce local. Pour les entreprises, parrainer ce type de projets offre d’importantes opportunités, tant dans l’engagement communautaire que la responsabilité sociale, pour construire une image positive. Notre engagement envers la « Fierté Civique par l’Art Civique » repose sur ces contributions multifacettes que l’Art Urbain offre aux villes et à leurs habitants.
Cease Martinez, Floyd Mendoza, Mark DeLeon…, Big Walls Big Dreams 2022, Kashmere Operating Facility, 5700 Eastex Fwy, Houston (© Birdman Photos).
Pour les artistes, travailler dans un tel cadre impose-t-il des contraintes particulières ?
L’une des principales contraintes réside dans la nécessité de faire preuve de sensibilité à l’égard du contexte social, culturel et historique des communautés où les projets sont mis en œuvre. L’artiste doit veiller à ce que son travail résonne positivement auprès des résidents, de façon inclusive et représentative. Il s’agit d’un équilibre délicat entre l’expression artistique et l’harmonie communautaire. De même, l’art public nécessite l’utilisation de matériaux durables et résistants aux intempéries, souvent méconnus des artistes habitués à travailler avec des médiums plus traditionnels. Une nécessité qui les pousse à élargir leurs compétences et à adapter leurs techniques, ce qui est pour eux stimulant. Enfin, il y a évidemment des échéances à respecter, liées au financement, aux événements communautaires, aux considérations logistiques… Malgré ces contraintes, ces projets sont également pour les artistes des espaces de liberté mais aussi de rencontres et même de collaboration, notamment avec les architectes, les urbanistes, les leaders communautaires…, loin d’une création solitaire ! Un processus collaboratif enrichissant mais qui nécessite de l’adaptabilité et de l’ouverture d’esprit pour accepter les critiques.
Au-delà de l’esthétique, qu’apporte l’Art Urbain dans la ville ?
En travaillant avec des communautés, en particulier celles qui ont été confrontées à des défis historiques tels que le racisme systémique, l’ostracisation ou le désinvestissement, l’Art Urbain favorise l’excellence culturelle et l’autonomie. Ainsi, nos projets embellissent non seulement des quartiers souvent défavorisés mais célèbrent également leur histoire, leur identité culturelle unique, restaurant un sentiment de fierté et d’appartenance parmi les résidents. Langage universel, cet art comble également les divisions culturelles et sociales, stimule la curiosité et le dialogue et pointe les problèmes sociétaux. Enfin, il ne faut pas négliger les bienfaits de l’art sur la santé mentale et physique, de plus en plus reconnus.
Quels sont vos projets les plus remarquables ?
Outre les Mini Murals, je citerais le Houston Mural Map [houstonmuralmap.com, NDLR], lancé en 2020 avec le soutien de la ville de Houston et de la Houston Arts Alliance. Cette ressource communautaire contributive cartographie les fresques murales de Houston, un outil précieux pour les amateurs et les visiteurs, mais aussi pour les éducateurs. Le site, qui attire des milliers de visiteurs chaque mois, souligne l’intérêt pour l’Art Urbain et son engagement. Il y a également notre dernière réalisation, une fresque de 1.000 m² célébrant le bicentenaire de la ville de Victoria, pour laquelle nous avons utilisé une peinture minérale silicatée, réputée pour sa durabilité exceptionnelle et sa résistance aux facteurs environnementaux, qui garantit notamment la préservation des couleurs dans le temps. Enfin, Big Walls Big Dreams qui, depuis son lancement en 2013 lors d’Art Basel Miami, réunit des artistes locaux et internationaux. Ce festival n’est pas seulement un événement artistique, c’est une célébration de la créativité, de la diversité et de l’esprit communautaire.
Que proposera la prochaine édition de Big Walls Big Dreams ?
L’édition 2024 s’annonce comme un événement phare de la scène artistique urbaine florissante Houstonienne. Prévu au printemps 2024, le festival, soutenu par la ville de Houston, mettra en vedette plus de 60 artistes, locaux et internationaux, qui œuvreront dans divers quartiers de Houston, entre fresques murales et installations, transformant la ville en galerie à ciel ouvert. Il proposera également des expositions, des ateliers, des événements collaboratifs… De quoi confirmer Houston comme une place centrale de l’Art Urbain !
UP Art Studio : upartstudio.org