Activiste de la défense de l’environnement, féministe engagée, artiste pluridisciplinaire nourrie de spiritualité, cette Australienne installée à New York est une figure marquante de la création contemporaine.
De ses débuts à Melbourne au milieu des années 2000 à sa carrière internationale – ses murs ornent New York, San Francisco, Paris, Londres, Berlin, Singapour ou Mexico ; elle a collaboré avec des marques telles que Converse, Fabergé ou Samsung – Vexta développe une œuvre originale, audacieuse et colorée, dont le prisme psychédélique explore des thèmes comme la nature, la féminité, la mythologie, la cosmologie ou la conscience universelle.
Comment tout a commencé ?
Naturellement créative depuis l’enfance, j’ai toujours dessiné, photographié, appris la gravure et la sérigraphie… En parallèle, je suis une activiste, engagée pour l’environnement, notamment la préservation de la forêt. Quand l’Art Urbain est apparu à Melbourne, j’ai d’emblée adoré son esthétique, et vu l’opportunité de faire passer des messages. J’ai alors naturellement commencé à faire des graffitis politiques sur les murs. Nous n’étions qu’un petit nombre d’artistes dans les rues, peut-être moins d’une dizaine. Nous avons commencé à investir des bâtiments abandonnés, à exposer ensemble.
Les galeries australiennes s’intéressent-elles rapidement à toi ?
J’ai commencé à signer mes graffitis parce que, quand tu signes, ce n’est plus du vandalisme, mais de l’art. Mais j’ai aussi beaucoup travaillé pour progresser parce que je pense que l’art dans la rue doit être original et puissant. À l’époque, il n’y avait que peu de femmes dans la scène locale ; c’est peut-être la raison pour laquelle je me suis fait remarquer. Nous avons organisé une première exposition avec d’autres filles où tout s’est vendu. Pourtant, même si je suis une féministe convaincue, je n’en ai pas joué. Longtemps d’ailleurs, beaucoup pensaient que Vexta était un garçon [rires].
Pourtant, tu ne te destinais pas à une carrière artistique ?
Non, j’étudiais le journalisme… Puis j’ai préféré peindre plutôt que de parler d’art [rires]. En 2006, lorsque Banksy est venu en Australie et m’a invité à Londres pour le Can’s Festival en 2008, cela a été le déclencheur. Très timide, très inquiète, je n’ai pourtant jamais été très à l’aise avec la reconnaissance. J’apprécie que l’on aime mon travail, un moyen de partager des émotions, d’établir une connexion avec les autres et avec l’univers, mais pas d’être dans la lumière.
Est-ce la raison pour laquelle la cosmologie, la mythologie, mais aussi la science sont tes sources d’inspiration ?
Oui. Je suis passionnée par notre relation à notre environnement. En étant déconnectés de la nature, nous sommes également déconnectés de nous-mêmes. La nature, outre les plantes et les animaux, regroupe notre planète, le cosmos, avec l’infiniment grand et l’infiniment petit, la physique quantique…
On retrouve cette dualité dans ton style, à la fois figuratif et abstrait…
J’aime les deux. Mon travail figuratif représente des femmes parce que, en tant que rare femme de ce milieu, je me dois donner mon point de vue, en montrant des femmes fortes et non hyper-sexualisées, comme souvent dans le graffiti. Je peins une nudité naturelle, pas sexuelle, et je suis heureuse que les femmes le voient, que les petites filles réalisent qu’il y a une perspective autre que celle induite par le regard des hommes. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de femmes dans l’Art Urbain et je trouve ça génial.
J’ai lu que, enfant, la visite de l’ossuaire de Sedlec Kutna Hora en République Tchèque t’avait fortement marqué…
C’est un lieu fascinant, qui abrite les ossements de plus de 40.000 personnes, utilisés pour fabriquer des sculptures, des pyramides et même des décorations, comme des chandeliers. À 10 ans, j’ai trouvé ça super cool [rires]. Depuis, j’ai une véritable fascination pour les squelettes. Une partie de mon travail, notamment la série Memento Mori, consiste à peindre sur des ossements. Je n’en avais pas fait depuis des années et j’y suis revenu récemment, explorant le sens original de l’expression : si tu te souviens que tu vas mourir, tu peux vivre mieux. Le Mexique, avec sa culture des morts, est aussi très inspirant pour moi. Et, en 2014, je suis descendu dans les Catacombes de Paris. C’était illégal, mais tellement amusant.
Tu pratiques et tu enseignes la méditation. Pour toi, l’art est aussi une forme de méditation ?
La méditation, comme les rêves, permet d’accéder à ce que l’on a de plus profond en nous, ce qui nourrit mon travail. La méditation fait souvent naître des images que je pose ensuite sur la toile. Parfois, peindre est ainsi pour moi une forme de méditation : je ne pense pas à ce que je fais ; je me laisse guider par mon subconscient. Cela se retrouve surtout dans mon travail abstrait. Et j’espère que lorsque les gens regardent l’une de mes œuvres, c’est pour eux un moment de réflexion, mais aussi de méditation.
Tu expérimentes de nombreuses directions artistiques, comme le numérique. Est-ce important de ne pas être uniquement une artiste du graffiti ?
À 100% ! Je me décris comme une artiste qui vient de l’art de la rue. C’est dans la rue que j’ai appris à peindre ; c’est la rue qui m’a amenée où je suis. Et je peins toujours des murs avec plaisir. Mais je ne veux pas m’enfermer. J’aime le numérique, je veux utiliser la réalité augmentée – comme pour le projet réalisé en 2015 au siège des Nations Unies à New York –, les projections, le travail avec la lumière. Autant de moyens pour raconter des histoires en plus grand. C’est un peu la même démarche que de passer de la toile ou du papier aux murs.
Tu te définis comme une activiste, tu as un message politique fort. Et tu fais aussi des collaborations commerciales. N’est-ce pas compliqué ?
À mes débuts, même vendre mes œuvres n’était pas évident. J’étais très jeune et peindre dans la rue, c’était déjà beaucoup. Aujourd’hui, je suis plus vieille [rires] et je plus à l’aise avec cet aspect. J’ai mes propres limites, comme tout le monde, et il y a certaines entreprises avec lesquelles je ne travaillerais pas. Tout dépend du projet que l’on me propose et à condition qu’il soit en phase avec mes valeurs. J’ai ainsi beaucoup aimé participer à la campagne Visa, parce qu’elle défend ce qui fait l’authenticité d’une ville comme Paris, alors que le monde occidental souffre d’uniformisation. Et soutenir les petits commerçants m’a bien plus, étant moi-même une petite commerçante.
As-tu une relation particulière avec Paris ?
Oui, cette ville m’a beaucoup influencée. Après le festival de Banksy, C215 m’a invité et fait découvrir Paris. J’espère d’ailleurs revenir souvent parce que c’est un endroit où il se passe beaucoup de choses autour de l’Art Urbain, qui jouit d’une reconnaissance de plus en plus grande par les institutions, à l’image de l’exposition au Petit Palais [« We Are Here », NDLR], l’une des meilleures que j’ai vues depuis longtemps. J’aimerai bien avoir l’occasion de montrer prochainement mon travail à Paris.
Quel est ton prochain projet ?
Une série de fresques pour le Milken Center for Advancing the American Dream à Washington D.C. Le musée va ouvrir en novembre et je pense utiliser la réalité augmentée. Cela m’honore et me réjouit d’être reconnue dans ce pays où je vis depuis plus de 10 ans.
Vexta : vexta.com.au
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