À l’initiative de Mehdi Ben Cheikh, cette exposition dans un lieu symbolique est l’occasion de faire découvrir l’Art Urbain aux amateurs d’art, mais aussi d’attirer un nouveau public au musée.
À voir
« We Are Here ! »
Jusqu’au 17 novembre 2024
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Entrée libre et gratuite
Petit Palais – Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Avenue Winston-Churchill 75008 Paris
petitpalais.paris.fr
Instagram : petitpalais_musee
Une exposition d’envergure consacrée à l’Art Urbain dans un grand musée, l’évènement est – encore – exceptionnel. Accessible gratuitement pendant tout l’été et jusqu’au 17 novembre – notamment pendant Art Basel Paris qui se tiendra en octobre dans le Grand Palais voisin –, « We Are Here » marquera-t-elle la réconciliation entre deux publics, celui des amateurs d’art classique, qui ont parfois du mal à reconnaître la qualité des œuvres d’artistes venus « de la rue », et celui des fans d’Art Urbain, peu habitués des musées. C’est le pari du porteur du projet, Mehdi Ben Cheikh, qui n’en est pas à son coup d’essai.
Les « Refusés » du XXIe siècle
Le fondateur de la galerie Itinerrance revient sur cette idée un peu folle devenue réalité. « Le mouvement de l’Art Urbain est arrivé à une telle maturité qu’il fallait absolument une validation par une institution. Le Petit Palais s’est naturellement imposé, pour plusieurs raisons : la situation, la beauté du lieu, la gratuité et, clin d’œil à l’histoire, le fait que ce bâtiment ait été construit sur l’emplacement du Palais de l’Industrie qui, en 1963, a accueilli le Salon des Refusés. Les participants, dont les œuvres n’avaient pas été retenues par le comité de sélection du Salon officiel – on compte notamment parmi eux Henri Fantin-Latour, Camille Pissarro ou Édouard Manet –, ont jeté les bases de la modernité de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Et ce sont eux dont on se souvient, alors que les tenants de l’académisme ont été oubliés. Pour moi, les artistes urbains sont les “Refusés” de ce début du XXIe siècle. Et je suis convaincu que ce sont eux qui écrivent l’histoire de l’art d’aujourd’hui et qui resteront dans les mémoires. Nous avons commencé à réfléchir à cette exposition il y a un an et demi et l’implication et le soutien de la mairie de Paris l’ont rendue possible ». L’événement se veut non seulement une mise en cause des idées reçues, mais aussi un évènement majeur de la scène artistique et culturelle parisienne.
Un étonnant dialogue
Au-delà de la présentation d’œuvres d’Art Urbain dans un grand musée, la réussite de « We Are Here » tient à une scénographie originale. « Dès le début, j’avais en tête une exposition en deux parties : une déambulation dans les espaces du musée, où des créations d’artistes urbains prenaient place en regard des œuvres classiques ; dans une grande salle, l’accrochage reprend celui des Refusés, avec des tableaux disposés du sol au plafond », explique Mehdi Ben Cheikh. Dans ce parcours au sein des collections du musée, des œuvres de 13 artistes majeurs du mouvement street art, de la scène nationale et internationale. 13, « un chiffre symbolique », pour celui qui a notamment investi le XIIIe arrondissement de Paris avec des projets comme la Tour Paris 13 il y a déjà 10 ans ou le Boulevard 13 et ses fresques monumentales le long du métro aérien et les rues avoisinantes.
Magique, un dialogue subtil s’instaure ainsi entre les plus belles pièces du musée et les œuvres de Shepard Fairey, Invader, D*Face, Seth, Cleon Peterson, Hush, Swoon, Vhils, Inti, Add Fuel ou Conor Harrington. « Les œuvres de Delaroche et de Schnetz, exposées ensemble au Petit Palais, incarnent des moments pivots de l’histoire française, témoignant de la montée du peuple contre une monarchie obsolète sous Louis-Philippe Ier. Inspiré par cette juxtaposition, j’ai choisi de représenter un monarque français déclinant, entrelaçant le passé historique avec des éléments contemporains, afin de susciter une réflexion sur les symboles du pouvoir et de la célébration dans notre société actuelle. À travers cette représentation du monarque sur son trône avec un gâteau fondant en arrière-plan, je fais référence à l’insensibilité de la monarchie envers les classes défavorisées, juxtaposant cette image avec la dynamique et la force contemporaine incarnée par Mbappé et la victoire de la Coupe du Monde de 2018. Mêlant les motifs historiques à des symboles de pouvoir et de communication modernes, ma création questionne le sens du pouvoir dans notre culture contemporaine », souligne Conor Harrington.
Plongée dans l’Art Urbain
Dans la salle Concorde du Musée, 161 œuvres de 60 artistes emplissent l’espace, littéralement du sol au plafond. L’effet est saisissant, même si la paternité n’en revient pas aux organisateurs de l’exposition. C’est en effet une référence aux salons historiques, à commencer encore une fois, par celui des Refusés. « Cet accrochage, inhabituel de nos jours, donne une impression de nombre, mais nous avons été attentifs à ce que l’espace entre chaque tableau soit suffisant pour que l’on puisse les isoler et les apprécier. Et cela fonctionne plutôt bien. Je souhaitais que les œuvres représentent la diversité de l’Art Urbain, mais aussi que toutes soient d’une qualité remarquable », note le galeriste et commissaire d’exposition. Une telle exposition muséale dans un lieu aussi symbolique marque-t-elle – enfin – la reconnaissance de l’Art Urbain comme un mouvement artistique majeur ? S’il ne boude pas son plaisir et sa fierté, Mehdi Ben Cheikh prend un certain recul par rapport à cette question : « C’est une étape. Importante, bien sûr, mais une étape parmi d’autres. Pour moi, Paris 13 est aussi essentiel. Djerbahood, une aventure humaine extraordinaire qui continue aujourd’hui, l’est tout autant. Cela fait 20 ans que je veux que l’Art Urbain trouve la place qui lui revient. Et je suis prêt à continuer 20 ans de plus [rires] ». Nous aussi !