Menu
Portrait

Obey et la France, une histoire d’amour

En 30 ans, Shepard Fairey, plus connu sous le nom de d’Obey, s’est imposé comme l’un des artistes urbains les plus influents. Si sa carrière est internationale, il a une relation particulière avec l’Hexagone.

Par Christian Charreyre

 

Faut-il y voir un signe ou un simple clin d’oeil de l’histoire ? C’est grâce à un Français que la carrière de Shepard Fairey a débuté. Il a en effet choisi le catcheur André Roussimoff, plus connu sous le nom d’André-the-Giant, comme modèle pour les premiers stickers et affiches qu’il a diffusé massivement. En 1998, il reprend ce même visuel pour la campagne Obey, dénonçant la manipulation médiatique de la publicité et des politiques en place aux USA. Une création qui lui vaut son nom d’artiste et une notoriété mondiale. En France, Obey a d’abord été exposé à la Base, la galerie éphémère d’Invader, où il a présenté de petits portraits de guérilleros coagulés. Fort de cette amitié de 20 ans, les deux artistes ont développé récemment une nouvelle collaboration, le Français travaillant sur la nouvelle collection de l’américain. Depuis deux décennies, Obey a souvent été présenté dans l’Hexagone par des galeries comme Magda Danysz, Itinerrance, mais aussi à la fondation Cartier en 2009, dans le cadre d’une exposition collective, Né dans la rue – Graffiti, ou en 2015 à Montpellier pour une grande rétrospective.

Sous la tour Eiffel

Très engagé dans la défense de l’environnement, Shepard Fairey a installé en novembre 2015, à l’occasion de la COP21, une sphère de huit mètres de diamètre et de plus de deux tonnes, sous la tour Eiffel. Baptisée  arth Crisis, l’œuvre est dans les tons bleu et turquoise pour « rappeler que nous devons prendre soin de l’air, de l’eau et de la végétation pour préserver notre planète », expliquait l’artiste à l’époque, précisant : « Ce globe représente évidemment notre planète, sa beauté et son harmonie sont évoquées par des éléments décoratifs qui rappelle le mandala bouddhiste. J’y incorpore ensuite des éléments dissonants, qui expriment la menace et le danger sur l’environnement. C’est dans la droite lignée de ma philosophie créative: séduire et provoquer. Les installations, les fresques, les peintures et les prints sont différents moyens de propager l’idée que nous sommes face à une crise à l’échelle de la Terre. Je pense que l’art est un moyen d’éveiller les gens. L’art peut créer des conversations là où d’autres médias échouent. Si un spectateur aime un de mes murs, s’il aime une installation, s’il aime mes œuvres, peut-être qu’il sera interpellé par le message que j’essaie de transmettre. Ces œuvres se penchent et se fondent sur mon engagement pour l’environnement depuis mes débuts. Je souhaite qu’elles interpellent visuellement et déclenchent la conversation nécessaire à propos de la protection de notre planète pour les générations futures ». D’ailleurs, un superbe ouvrage retraçant cette création a été publié chez Albin Michel.

 

Au coeur de Paris

C’est à Mehdi Ben Cheikh, le propriétaire de la galerie Itinerrance, que les Parisiens doivent de pouvoir admirer le travail d’Obey en version XXL. En juin 2012, Shepard Fairey réalise une fresque géante de vingt-cinq mètres de haut, Rise Abose Rebel, représentant un visage féminin, sur la façade d’un immeuble d’habitation situé au coin de la rue Jeanne-d’Arc et du boulevard Vincent-Auriol dans le XIIIe arrondissement de Paris. Après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, il peint en juin 2016 une autre grande fresque au croisement du même boulevard et de la rue Nationale, une Marianne entourée de la devise Liberté, Égalité, Fraternité, « pour exprimer mon soutien au peuple français et aux Parisiens ». Et la transposition sur toile de cette création est installée dans le bureau d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Et c’est encore à Paris que l’artiste vient d’achever fin juin sa 100e fresque, une œuvre inspirée par l’Art nouveau, portant deux inscription : « Le futur n’est pas écrit » et « Le savoir et l’action font le pouvoir ». Le message d’un artiste engagé et inspirant.

 

Rétrospective à Grenoble

En juin 2019, Shepard Fairey était l’un des invités d’honneur, à la cinquième édition du Street Art Fest de Grenoble. À cette occasion, il a réalisé une fresque de vingt-cinq mètres de haut, The Rose Girl, représentant un visage féminin sur le pignon d’une résidence d’étudiants située à l’angle du boulevard Maréchal Joffre et de l’avenue général Champon. La ville lui consacre une exceptionnelle exposition, la plus importante jamais défiée au travail de l’américain. Dans l’ancien musée de la peinture, plus de 600 œuvres couvrant les 30 années de production, de ses premiers autocollants fait à la main à ses dernières sérigraphies en plusieurs couleurs, ont été réunies, autour de ses grands thèmes de prédilection : Écologie, Politique, Guerre et Paix, Propagande, Solidarité, Influences artistiques, Skate et Musique. Pour Jérôme Catz, directeur du projet et de la programmation artistique du festival, « Shepard Fairey est un humaniste. Il aide énormément d’associations sans se mettre trop en avant. On essaye de montrer cette facette dans cette exposition ».

 

A voir

« Obey, 30 years of Resistance : A Print Survey of Shepard Fairey »
Jusqu’au 27 octobre 2019, du mercredi au dimanche de 13h à 19h
Ancien Musée de Peinture de Grenoble
9 Place de Verdun 38000 Grenoble

 

 

À savoir

. Passionné par la culture hip-hop, Shepard Fairey a débuté à 14 ans en personnalisant des t-shirts et des planches de skate. C’est lors d’une démonstration de skate qu’il a donné naissance à André the Giant. Parmi ses influences, Shepard Fairey cite Andy Warhol, Alexander Rodtchenko, Barbara Kruger, Robbie Conal et Diego Rivera.

. Shepard Fairey a été arrêté et même menacé de poursuites à plusieurs reprises pour ses graffitis et le collage de stickers sur les murs sans autorisation.

. Diplômé d’une école de design, Shepard Fairey est un excellent pro du marketing. Avec son épouse, il a créé une agence de création graphique, le Studio Number One, et lancé une ligne de vêtements sous la marque Obey Giant.

. Comme Banksy, Ron English ou Keith Haring, Shepard Fairey est un membre engagé et militant du mouvement Street Art, particulièrement impliqué dans la protection de l’environnement et la justice sociale

. Shepard Fairey a signé la pochette de l’album Monkey Business des Black Eyed Peas et l’affiche du film Walk the Line de James Mangold sorti en 2006.

. Ses œuvres sont présentes dans les collections du Smithsonian, du Los Angeles Country Museum of Art, du Musée d’Art Moderne de New York, du Victoria and Albert Museum de Londres.