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Portrait

ANDREA RAVO MATTONI, le classique à ciel ouvert

Ses reproductions géantes de toiles du Caravage ou de Rubens sont véritablement impressionnantes. Au-delà de la prouesse technique, une démarche citoyenne qui vise à briser les préjugés.
Par Angela Olivier 

 

Le Caravage, Velazquez, de la Tour, Rubens, Van Eyck, Delacroix… telles sont les sources d’inspiration d’Andrea Ravo Mattoni. Le street artiste (même si lui n’apprécie pas cette définition) italo-suisse reproduit à la bombe aérosol des grands chefs-d’oeuvre du passé sur les murs des villes. Si l’Italie, et notamment sa ville natale Varèse en Lombardie, constitue son terrain d’expression favori, on peut voir ses oeuvres à Londres, Bruxelles ou Paris, notamment sur le légendaire Mur Oberkampf. En 2018, il a également collaboré avec le Musée du Louvre et l’Université de Nanterre, et participé à Art42, le musée d’Art Urbain au sein de l’école de Xavier Niel. Il a aussi travaillé à Boulogne-sur-Mer, à Bordeaux, et été exposé au Château d’Amboise à l’occasion de l’anniversaire de la mort de Léonard de Vinci.

Un parcours étonnant

Andrea Ravo Mattoni est né dans une famille d’artistes. Son père Carlo, disparu en 2011, était un artiste conceptuel et comportemental. Son oncle, Alberto, est un illustrateur célèbre de livres pour enfants. Son grand-père, peintre, a créé des figurines pour des marques comme Liebig ou Lavazza. S’il dessine depuis sa plus tendre enfance, Andrea commence par le graffiti en 1995, sous le pseudonyme de RAVO. Au début des années 2000, il s’inscrit à l’Académie des Beaux-Arts de Brera, abandonnant pour un temps les bombes pour l’huile et l’acrylique. En 2003, avec deux amis, il fonde à Milan The Bag Art Factory, un espace de création et d’exposition artistique dans un ancien entrepôt logistique de 5.000 mètres carrés du quartier Bovisa. Une expérience qui se pourrsuivra jusqu’en 2007. Il travaille ensuite pour la galerie milanaise Artand gallery de l’artiste, designer et sculpteur Gigi Rigamonti, tout en développant sa propre pratique, mêlant ses deux univers pour recréer à la bombe les peintures à l’huile des grands maîtres. Ce qui surprend au premier regard, c’est l’incroyable ressemblance des oeuvres peintes par Andrea avec les tableaux originaux, tant dans la fidélité du moindre détail que dans le rendu de techniques comme le clair-obscur. « Pour obtenir un résultat au plus proche de l’original, j’essaie de comprendre et d’entrer pleinement dans la tête et la technique du peintre », explique-t-il. « Avec les bombes, que l’on considère souvent avec un a priori négatif, je reproduis l’effet des couleurs à l’huile sur la toile. Je ne fais pas de modifications sur les oeuvres que je reproduis. Ce qui m’importe, c’est de faire ressortir ces chefs-d’oeuvre, de les magnifier, pour que les gens puissent entrer dans le tableau et l’analyser dans les moindres détails ». Andrea peint directement sur le mur, sans dessin préparatoire. Impressionnant !

Un grand projet

Depuis 2016, Andrea Ravo Matonni exprime sa passion pour l’art classique dans le cadre d’un projet qu’il a baptisé « La récupération du classicisme dans le contemporain ». En reproduisant des oeuvres classiques sur des murs visibles par tous, son ambition est de rendre l’art accessible. « Je veux créer un pont entre le passé et le présent. Il est important de donner une nouvelle énergie au genre classique, à la base de l’esthétique qui a forgé notre société moderne, la photographie, le cinéma et même la mode. Je me sens comme un chef d’orchestre qui aime présenter de la grande musique. Vous pouvez apprécier Bach ou Mozart sans avoir étudié la musique et ensuite devenir passionné. Il en va de même pour la peinture classique. Et je crois que cette peinture ainsi présentée est fortement contemporaine et actuelle », précise l’artiste, qui ajoute : « Je perpétue une tradition ancienne, celle de la copie, la même qui était pratiquée dans les ateliers de peinture, la même qui a permis la diffusion de nombreux courants et styles à travers l’Europe. Je relie cette pratique dans une tonalité contemporaine avec une technique moderne ». André a choisi pour son projet de travailler dans un cadre autorisé, en bâtissant des partenariats avec les festivals, les musées et les institutions. En novembre 2017, il s’attelle ainsi à une gigantesque fresque, Les Sept oeuvres de la miséricorde, un célèbre tableau du Caravage peint en 1607 et conservé à Naples, sur la façade du centre hospitalier universitaire Gemelli de Rome. La transmission est une part importante de sa démarche. « Lors de mes interventions, en accord avec les villes ou les musées qui m’accueillent, des rencontres sont organisées avec les écoles, les collèges et les lycées. Le jeunes sont fascinés par l’utilisation des bombes et sont confrontés à une véritable leçon d’histoire de l’art en plein air. Les enseignants, qui peuvent voir dans ce médium quelque chose de négatif, sont surpris que l’on puisse utiliser des bombes pour recréer les grands classiques ».

Un musée à ciel ouvert

« Mon but est de créer une sorte de musée en plein air, impliquant le plus grand nombre de personnes possible. Tout le monde n’a pas la possibilité d’apprécier les oeuvres d’artistes comme Le Caravage, parce qu’ils n’ont pas la possibilité de voyager, d’aller aux expositions ou, tout simplement, parce qu’ils ne les connaissent pas. Quand nous allons dans un grand musée, comme Le Louvre, nous devons faire la queue, les tableaux sont souvent petits. Ce ne sont pas les meilleures conditions pour admirer une oeuvre d’art. Avec mon projet, je peux faire découvrir et redécouvrir une peinture, en donnant au spectateur tout le temps de l’admirer ».

Et le risque de disparition des oeuvres, inhérent à la peinture en extérieur ? Andrea espère qu’il pourra être maîtriser « Dans les années 90, quand je faisais du graffiti, j’ai peint sur de nombreux trains. Je connais bien cet aspect éphémère et, d’un certain côté, je suis fasciné par la détérioration des murs. Lorque j’interviens dans des lieux abandonnés pour créer mes toiles urbaines, je suis prêt à accepter qu’à un moment donné mes oeuvres n’existent plus. Mais en ce qui concerne mon projet de musée en plein air, je ne pense pas de la même manière. Dans ce cas, mon art devient art public et rend un service précis : rapprocher les gens de l’art classique, le rendre démocratique et accessible. Je souhaite donc que les oeuvres soient protégées autant que possible afin qu’elles restent disponibles pour les habitants du lieu ».

 

 

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