Pour Emerson Radisich, conservateur curateur de lâexposition « The Digital Street » organisĂ©e par le site Taby, le graffiti et le Street Art prennent un rĂŽle de premier plan grĂące au numĂ©rique et sâintĂšgrent ainsi au marchĂ© de lâart.
LâArt Urbain touche un large public, provoquant un changement gĂ©nĂ©rationnel que lâart traditionnel ne parvient pas Ă faire. Mais si les Ćuvres de Street Art acquiĂšrent une place de plus en importante sur le marchĂ© des enchĂšres, grĂące notamment Ă des artistes comme Bansky ou KAWS, lâĂ©cosystĂšme classique, notamment les critiques et les galeristes, semblent avoir encore du mal Ă sâadapter. Le salut pourrait venir dâune prĂ©sence numĂ©rique adaptĂ©e Ă une nouvelle gĂ©nĂ©ration dâamateurs.
Quel est votre rĂŽle en tant que conservateur de la galerie dâart en ligne de Taby ?
Mes principales tùches chez Taby sont la création et la conservation des expositions. Une fois que notre directeur et moi avons choisi le thÚme de chaque exposition, je fais des recherches sur le sujet et je sélectionne les artistes qui, selon moi, sont les meilleurs pour Taby et nos clients. Je suis également responsable de nombreuses opérations de façade, comme la communication avec les artistes, celle avec nos fabricants dans le monde entier, et la rédaction de beaucoup de textes qui accompagnent les expositions.
Comment les graffitis et le Street Art influencent-ils la culture de lâart contemporain ?
Je me pose souvent cette question… Il existe un terme reconnu appelĂ© « post-graffiti », qui a Ă©tĂ© utilisĂ© dans le monde universitaire pour dĂ©finir les limites entre les arts de la rue et lâart contemporain. Lorsquâil est utilisĂ©, ce terme dĂ©signe une sĂ©rie dâartistes issus du milieu graffiti et entrĂ©s dans le monde des Beaux-Arts avec leurs influences formatrices. REVOK en est un bon exemple. Ă cet Ă©gard, je pense que le graffiti et le Street Art influencent la culture de lâart contemporain simplement parce quâil existe dĂ©sormais un forum pour ce type de pratiques. Et une fois que les graffeurs entrent dans le systĂšme de lâart contemporain, il y a forcĂ©ment une pollinisation croisĂ©e des idĂ©es, des styles, des techniques⊠Je pense Ă©galement que les graffitis et le Street Art sont de plus en plus « acceptables » dans le monde de lâart. Les artistes de rue battent des records dans les maisons de ventes aux enchĂšres, de plus en plus dâinstitutions prĂ©sentent les Ćuvres de ces artistes et les festivals de Street Art fleurissent dans le monde entier.
MalgrĂ© le succĂšs du marchĂ© des ventes aux enchĂšres, les arts de la rue semblent toujours ĂȘtre ignorĂ©s par les galeries traditionnelles. Pourquoi en est-il ainsi ?
Malheureusement, les galeries traditionnelles exposent de lâart… traditionnel. Le secteur commercial est extrĂȘmement difficile et il faut beaucoup de temps Ă une galerie pour trouver le succĂšs, dans la plupart des cas, des dĂ©cennies et, une fois un statut influent atteint, les directeurs et conservateurs de ces espaces qui ont trouvĂ© une recette gagnante ne veulent pas sâen Ă©carter. En outre, les clients sâattendent Ă ce quâun type dâart familier leur soit proposĂ© dans les galeries quâils frĂ©quentent. Il y a cependant un effet positif Ă cela. Partout dans le monde, des galeries telles que Les Bains, Stolen Space, Hang-Up Gallery et Backwoods Gallery ouvrent la voie aux arts de la rue et aux espaces commerciaux orientĂ©s graffitis. Le vent tourne et, Ă mesure que ces galeries gagneront en rĂ©putation, il y aura une place plus concrĂšte et plus fiable pour les artistes dâArt Urbain.
Les critiques sont-ils trop sĂ©vĂšres Ă lâĂ©gard des artistes urbains ?
Parfois. RĂ©cemment, jâai vu une exposition personnelle de KAWS Ă la National Gallery of Victoria, en Australie. Elle a Ă©tĂ© bien accueillie par certains et rejetĂ©e par beaucoup, la critique la plus frĂ©quente Ă©tant que les Ćuvres Ă©taient trop « gadgets », trop commerciales et dĂ©pourvues de concept. Si je peux comprendre cette critique face aux travaux rĂ©cents de KAWS, cet artiste a une histoire assez riche que beaucoup de commentateurs ont nĂ©gligĂ©e. De tels cas sont assez courants, les critiques et les crĂ©ateurs de goĂ»t mettant de cĂŽtĂ© lâart de la rue. Câest quelque chose qui, je lâespĂšre, va changer dans un avenir proche.
Les expositions en ligne sont-elles un moyen de changer les choses ?
Elles pourraient lâĂȘtre. Ă mon avis, les expositions en ligne prĂ©sentĂ©es par des galeries numĂ©riques comme Taby sont extrĂȘmement intĂ©ressantes. Par rapport aux espaces physiques, elles nâont pas autant de contraintes et donc moins de barriĂšres par rapport aux expositions quâelles organisent. Par exemple, The Digital Street combine les Ćuvres dâartistes de six pays diffĂ©rents, ce qui est inĂ©dit pour une nouvelle galerie. En ce sens, la rĂ©alisation dâexpositions en ligne permet la collaboration dâartistes de maniĂšre inĂ©dite. Elle permet Ă©galement aux artistes de se connecter Ă une base de clients beaucoup plus large, ce qui est bĂ©nĂ©fique pour tous.
Les réseaux sociaux ne sont-ils pas suffisants ?
Beaucoup dâĆuvres dâart merveilleuses proviennent de communautĂ©s trĂšs unies et les rĂ©seaux sociaux jouent un rĂŽle essentiel. Pour autant, Ă lâĂšre du numĂ©rique, ces rĂ©seaux sociaux « communautaires » sont souvent insuffisants.
Que présentera votre prochaine exposition, The Digital Street ? Comment avez-vous choisi les artistes proposés ?
Concevoir The Digital Street a Ă©tĂ© une exposition intĂ©ressante pour moi. Lâessentiel de ma pratique tourne autour de la rĂ©alisation dâexpositions critiques, alors que la mission de Taby est tout Ă fait diffĂ©rente : proposer de grands artistes Ă des clients qui ne les auraient pas vus autrement. En ce sens, mon principal objectif pour The Digital Street, en dehors dâinviter des artistes travaillant dans le monde du graffiti et du Street Art, Ă©tait la diversitĂ©. Nous avons des artistes de Chine, des Ătats-Unis, dâAustralie, dâItalie, de Pologne et de Suisse, un Ă©quilibre entre hommes et femmes et, Ă mon avis, une gamme esthĂ©tique globale qui met en valeur les possibilitĂ©s de la pratique du graffiti Ă lâĂšre numĂ©rique. JâespĂšre avoir organisĂ© une exposition oĂč il y aura quelque chose pour tout le monde.
Les artistes de la nouvelle génération ont-ils une approche différente de leur relation avec le marché ?
Sans aucun doute. Autrefois, il y avait une « structure » dans le marchĂ© de lâart. Les artistes vendaient des Ćuvres par lâintermĂ©diaire de galeries, et les galeries Ă succĂšs vendaient des Ćuvres dâart Ă des institutions. Ce processus
sâest effondrĂ© rĂ©cemment. Comme cela a Ă©tĂ© le cas dans beaucoup de domaines, les nouvelles technologies ont ouvert de nouvelles voies pour vendre et accĂ©der aux produits de base. Il est dĂ©sormais courant pour les artistesde vendre des Ćuvres en ligne et, bien sĂ»r, pour les galeries numĂ©riques, comme Taby, de le faire Ă©galement.
[button color=”black” size=”normal” alignment=”none” rel=”follow” openin=”samewindow” url=”https://phoenix-publications.com/produit/urban-arts-magazine-10/”]Acheter [/button]