Avec une scène locale foisonnante, une municipalité très impliquée et une biennale qui attire de nombreux artistes locaux, nationaux et internationaux, Toulouse s’est imposée comme une ville particulièrement dynamique, avec des œuvres remarquables.
Par Christian Charreyre
À la fin des années 80, le Street Art est encore pratiquement inconnu en France, hors de la capitale. Les toulousains Mosquito, Tilt, Soune, Tober, Cee-T et Fastoche font figure de précurseurs. Influencés par la culture Hip-Hop new-yorkaise, ils investissent les murs et les terrains vagues du quartier Arnaud-Bernard, situé en centre-ville, jouant au chat et à la souris avec la municipalité. Le quartier a vu naître la Truskool, un collectif artistique des années 1990 qui aime notamment user de la peinture à la bombe sur les murs désaffectés de la manufacture des tabacs. Créative, passionnée, douée, cette bande de potes qui regroupe 2pon, Der, Cee-T, Soune et Tilt, forme un groupe très vite influent, certains exposant leurs œuvres aux quatre coins du monde. À leurs côtés, des artistes féminines telles que Fafi, Miss Van ou Mademoiselle Kat développent aussi leur propre style et technique. Malheureusement, les œuvres éphémères de l’époque ont pratiquement toutes été effacées ou recouvertes.
Le temps de la reconnaissance
Comme partout, à la démarche vandale a succédé une collaboration entre la municipalité et les artistes. Principal signe de cette évolution, Toulouse propose depuis 2016, une biennale d’Art Urbain aux retombées fortes. Rose Béton permet ainsi de faire intervenir des artistes reconnus sur les murs de la ville et ses lieux culturels. La direction artistique a en a été confiée à Tilt, né à Toulouse, qui a su donner à la manifestation une dimension internationale. Pour la première édition, Furtura s’est ainsi approprié un wagon de fret sur le parvis du Musée des Abattoirs, lieu phare de l’art contemporain ! Pour la troisième édition, les américains Hense et Momo, le hollandais Jeroen Erosie, le duo allemand Moses & Taps, le brésilien Rero et la française Mademoiselle Kat ont investi la ville d’avril à septembre 2019, modifiant une fois de plus le paysage urbain. Et cette fois, c’est à l’intérieur du musée des Abattoirs que sont exposés les artistes urbains, avec une vision élargie. « En 2016, l’idée était en quelque sorte de présenter les racines du graffiti. Nous avions invité des précurseurs et des témoins de l’émergence du graffiti pour expliquer les bases de cette culture. Pour cette édition, nous avons souhaité poursuivre le propos en ouvrant la biennale à des artistes dont le travail est lié à l’espace public, qu’ils soient ou non issus du graffiti. Les acteurs mûrissent et s’aperçoivent que d’autres artistes ont investi la rue avant eux. Il nous est apparu important de mélanger les générations comme les pratiques afin de montrer la richesse de cet univers qui se perd parfois dans la sémantique. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé à Tania Mouraud d’être la marraine du festival, car elle investissait déjà la rue alors que la plupart d’entre nous n’étions pas nés ! », explique Tilt.
Une scène très active
Autrefois en marge, le Street Art vit aujourd’hui en plein jour et représente un axe important de la politique culturelle de la ville. Reso, 100taur, Mondé, Snake, Amandine Urruty, Dran… de nouveaux noms sont venus rejoindre le rang des graffeurs toulousains. Les initiatives se multiplient, comme le festival Mister Freeze ou l’Open Summer Festival. Les maires de quartier sont encouragés à demander aux artistes urbains de mettre en valeur les différents espaces et bâtiments publics. « On voudrait que le graffiti soit au cœur de la ville et pas uniquement dans des endroits délaissés, comme des usines désaffectées… », expliquait Tilt. Et c’est aujourd’hui le cas. Toulouse est, après Paris, la ville française la plus active en termes de rayonnement artistique urbain. Grâce soit rendue à une météo clémente, la vie toulousaine se passe beaucoup à l’extérieur. Le meilleur moyen de découvrir les œuvres d’art consiste donc à se promener dans la ville. L’Office de Tourisme de Toulouse propose d’ailleurs un Graff Tour, en compagnie d’un street artiste et d’un guide-conférencier, comme Sarah Chandioux : « Dans les années 80 et 90, de nombreux artistes importants et très influents, aujourd’hui reconnus dans l’Hexagone et au-delà, je pense à des gens comme Reso ou Tilt, ont très tôt posé les bases d’un art mural de qualité, regroupé autour du “50 Cinq“, ainsi nommé car il se situe au numéro 55 de l’avenue Louis Bréguet, devenu emblématique de Toulouse ». La fameuse fresque de 30 mètres de haut, réalisée par Truskool, un collectif qui a été d’abord connu comme ABS (Arnaud Bernard System) et TLT (T’es laid Toulouse) est devenu un symbole de Toulouse. Il s’agit en effet d’une commande passée par la mairie en 1994.
Au fil des quartiers
Le style cartoonesque de cette fresque vient se fondre dans le paysage urbain et ajouter de la couleur à un parc pour enfants. La fresque regroupe plusieurs strates et chacune d’entre elles correspond à un style de l’un des artistes de Truskool ayant pris part à la composition : Siker, Ceet, Soone, 2Pon, Tober, Der et Tilt. De ce point de départ, il est possible d’explorer les quartiers du Pont des Demoiselles, Saint-Agnès, Empalot, avec de nombreuses œuvres pérennes, signées par de grands artistes comme 100Taur, Mondé, Miss Van ou Mademoiselle Kat et bien d’autres. Sans oublier la petite rue Gramat qui, aux temps héroïques, était appréciée parce qu’elle était à l’abri des regards. À l’université de droit de Toulouse se situe une petite enclave dédiée au Street Art. Il s’agit d’un spot, proche des remparts, où les murs y sont complètement recouverts de graffitis. Vue panoramique, petite bulle d’Art Urbain, elle a fait en 2017 l’objet de l’intérêt d’Abys, Valer et Scaf qui sont venus investir cet espace durant une semaine.
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