Totalement inspirĂ© par lâenvironnement urbain, lâartiste pluridisciplinaire Joachim Romain, qui intĂšgre photographie, peinture, sculpture, modifie tant et si bien la matiĂšre quâil en rĂ©sulte une Ćuvre qui frappe par sa puissance. Comment ne pas ĂȘtre interpellĂ© par les griffures et les dĂ©chirures mais aussi les couleurs et les volumes ? Un travail oĂč lâurbanitĂ© rĂ©sonne fortement avec la recherche picturale de lâartiste et sa rĂ©flexion sur lâaccumulation, lâusure, la temporalitĂ©, le recyclage⊠qui provoque lâĂ©motion et invite Ă l’analyse.
Street artist, photographe, plasticien… comment vous dĂ©finissez-vous ?
Plus que de situer mon travail, je vous parlerai de mes influences, mes inspirations. Mon cotĂ© street artist est pour moi avant tout un ressenti de la rue, une attirance pour lâurbain, bien plus que la recherche absolue du mur Ă peindre. Mes travaux se nourrissent de pratiques et techniques qui me relient Ă une dĂ©marche dâart plastique.
Votre expĂ©rience de la publicitĂ© explique-t-elle votre « fascination » pour le papier, lâaffiche, la typographie ?
HĂ©hĂ©, la pub mâa clairement Ă©clairĂ© et Ă©veillĂ© sur la beautĂ© de la typographie, sublimĂ©e avant tout par lâimpression, mĂȘme si, via le numĂ©rique, on la retrouve et on en joue comme dans ma sĂ©rie photographique « Fast_Shop ». La typographie est partout et nous drive tout le temps. Câest un repĂšre.
Comment avez vous découvert votre style ?
Un long chemin⊠Jâai commencĂ© par la photographie vers 15 ans. Jâai shootĂ© mes amis mais aussi mon environnement sur le port du Havre oĂč se mixe lâusure et la rouille. De lĂ , jâai avancĂ©, inspirĂ© par mon environnement urbain en prenant des typos usĂ©es par le temps, des enseignes de magasins notamment. Câest lors dâun sĂ©jour Ă Sarajevo, en 2006, que jâai fait mon premier portrait dâhomme sur une affiche lacĂ©rĂ©e et trouĂ©e par un Ă©clat de balle. Cela a Ă©tĂ© le dĂ©clencheur, le dĂ©but de ma recherche artistique sur le portrait. Puis jâai rajoutĂ© du papier, des affiches glanĂ©es dans la rue, de la peinture… pour arriver Ă mon travail dâaujourdâhui associant ou confrontant ces accumulations.
Pourriez-vous passer à tout autre chose ?
Jâai essayĂ© de travailler « dans des bureaux » avant dâĂȘtre Ă 100% artiste car il fallait bien vivre ! Mais je ne tiens pas en place et cela manquait rapidement et cruellement de crĂ©ativitĂ©. Cela fait plusieurs annĂ©es dĂ©sormais que je me concentre sur mes crĂ©ations et je ne mâimagine plus faire autre chose et faire autrement. Je pense que je finirais ma vie dans mon atelier !
Que reprĂ©sente « lâusure » pour vous ?
Quelque chose de hasardeux, unique et beau, un lien avec le passé.
Parlez-nous de votre techniqueâŠ
Ma technique reprĂ©sente vraiment lâĂ©volution de mon travail. Elle intĂšgre la photographie, la peinture, la sculpture. Je peux travailler dans la rue comme en atelier, sur toile comme sur mur. Mais je me nourris de la matiĂšre urbaine, des femmes et des hommes de notre sociĂ©tĂ©, anonymes, ou cĂ©lĂšbres. Je cherche les liens, dans lâespace comme dans le temps, qui traversent nos urbanitĂ©s.
En quoi vos Ćuvres peuvent-elles Ă©galement ĂȘtre qualifiĂ©es de « sculptures » ?
En fait, quand je travaillais la photographie, le rĂ©sultat Ă©tait loin de ce que je prenais en photo. Jâai donc cherchĂ© Ă user mes tirages en les pliants, en les brulant… A partir de la, jâai rĂ©alisĂ© des piĂšces murales en volume. Lâenvie de les poser Ă mĂȘme le sol est venue naturellement, comme une sculpture.
Que se cache-t-il derriĂšre lâesthĂ©tisme de vos Ćuvres ?
Une beautĂ© urbaine bien sĂ»r ! Mais surtout un surplus de cette masse de push dâinformations et qui nous envahit, nous use. LâidĂ©e est de nous faire consommer notamment. Câest cela que je tente de sublimer par ma dĂ©marche artistique. Je suis actuellement attirĂ© par des portraits dâanonymes avec lesquels je retrouve le plaisir de photographier des visages portant leur histoire.
Comment se rĂ©partit votre travail entre la rue et l’atelier ?
Ăa commence avant tout dans la rue, Ă qui je prends beaucoup⊠lâaffiche surtout. Partout oĂč je voyage, je ramĂšne cette matiĂšre premiĂšre. Câest comme cela que tu peux retrouver dans mes piĂšces des affiches de LA comme du Havre, du Sri Lanka comme de Berlin ou Saint-Denis… Puis je compose dans mon atelier Ă Saint-Denis au 6b oĂč je travaille depuis 7 ans.
Ătes-vous un artiste engagĂ©Â ?
Les questions dâĂ©cologie et dâenvironnement mâintĂ©ressent et me prĂ©occupent. Jâai pu participĂ© Ă la COP21 avec des projets artistiques ou Ă des initiatives artistiques engagĂ©s, notamment Ă Paris. Les questions dâaccumulation, dâusure, de temporalitĂ© et de recyclage sont au coeur de ma dĂ©marche. Mais je suis aussi soucieux pour mes propres pratiques, toutes mes oeuvres sont ainsi rĂ©alisĂ©es Ă partir de matĂ©riaux rĂ©cupĂ©rĂ©s et recyclĂ©s. Dâailleurs, une de mes sĂ©rie est intitulĂ©e « Affichage libre ». Ce sont des installations urbaines oĂč je joue et sculpte dans la rue Ă partir de lâaffichage sauvage. Je travaille avec ce gaspillage de papiers qui transforme les murs des villes en dâĂ©paisses couches successives de publicitĂ©s qui inondent notre quotidien. En tant quâartiste, jâessaie de les sublimer⊠Jâaime ne pas signer ces installations et laisser les gens imaginer ce quâils veulent mais je pense que le rĂ©sultat parle de lui mĂȘme. Ma sĂ©rie photographique « Fast_Shop », Ă la limite de lâart numĂ©rique, que je prĂ©sente Ă la Galerie Art&Craft Ă Paris en septembre, est aussi une vraie critique sur notre frĂ©nĂ©sie dâachat. Je shoote des sites de e-commerce en reprĂ©sentant cette consommation rapide et en crĂ©ant des images hypnotiques. Jâai commencĂ© ce travail en 2009 et il mâa beaucoup ouvert sur mon rĂŽle dâartiste, le regard que lâon peut porter sur la consommation de masse. Mais câest aussi un travail trĂšs sensible, intuitif. Au final, je pense ĂȘtre un artiste engagĂ© ou, du moins, bien critique !
Quelles sont les différences entre votre travail dans les rues et en atelier ?
Lors de ses expĂ©riences de street artiste, jâaccorde beaucoup dâimportance Ă ces installations qui doivent permettre dâoffrir des parenthĂšses artistiques dans la ville. Câest le moment de rencontres, dâĂ©change, du partage. Les gens sont curieux, donnent leur avis. Je fais vraiment le mĂȘme travail dedans que dehors, mĂȘme si jâaime ĂȘtre dans mon atelier, mon autre chez moi.
Vous avez participĂ© Ă des projets collectifs comme la Street Art Avenue, ou encore le Festiwall Ă Paris. Est-ce une dimension importante de l’art urbain ?
Les festivals permettent de montrer son travail, de rencontrer dâautres artistes et un public que lâon ne voit pas dans son atelier ou mĂȘme en galerie. Il y a une vraie libertĂ© de crĂ©ation. Câest Ă©galement la possibilitĂ© dâavoir accĂšs Ă des lieux de crĂ©ation assez originaux ou inattendus. Ces festivals ont surtout, je pense, dĂ©mocratisĂ© les fresques et le fait dây accĂ©der plus facilement et lĂ©galement. Du coup, ils sont aujourdâhui incontournables mais il faut savoir se renouveler. Les galeries elles aussi proposent aux artistes de plus en plus de commandes de peintures murales. Je suis dâailleurs en pourparlers avec la Galerie Urbaine de Uzes, avec qui je travaille, pour la rĂ©alisation dâun mur de plus de 50 x 8 m pour une entreprise locale. Une autre dimension de lâart urbain…
A voir
Fast_Shop
Du 12 septembre au 12 octobre 2019
Galerie Art&craft
32 bd du général Jean Simon
75013 Paris
www.artscraftsparis.com
Sculpt en sologne 2019
Du 1er au 15 septembre 2019
www.sculptensologne.com
Galerie Urbaine
6 rue Saint-Etienne
30700 UzĂšs
www.galerieurbaine.com