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Évenement

Plongée dans l’aventure humaine et artistique de « FORME(S) COLLECTIVE »

L’histoire à (re)découvrir est celle d’une résidence d’artistes fort singulière prônant des valeurs essentielles et à portée universelle.

A voir
« Forme(s) Collective »
Du 2 février au samedi 11 mars 2023
Galerie Larock-Granoff
13 quai de Conti 75006 Paris
larock-granoff.fr
Instagram : @galerie_larock_granoff
9e Concept : 9eme.net
Instagram : @9emeconcept
Stéphane Carricondo : @carricondostephane
Ned : @ned9eme
Jerk 45 : @jerk.45

Stéphane Carricondo, Augustine Kofie, Romain Froquet, Clément Laurentin, Théo Lopez, Lx.One, Carlos Mare, Remi Rough.

En mai dernier, la première résidence à 1872 Maison d’Artistes et baptisée « Forme(s) Collective », réunissait 8 artistes, Lx.One, qui en assurait la direction artistique, Augustine Kofie, Carlos Mare et Remi Rough du collectif AOC (Agents of Change) ; Stéphane Carricondo, Romain Froquet, Théo Lopez et Clément Laurentin du 9e Concept. Répartis en 4 duos, les artistes sont intervenus sur les blockhaus de la plage du Gurp autour d’une thématique choisie en écho à l’histoire du territoire. Cette résidence, honorant les valeurs humanistes de partage, de rencontre, d’histoire et de mémoire et qui a fait naître une création en commun in situ visible un mois seulement, se (re)découvre aujourd’hui à travers un livre, un film et une exposition. Une aventure humaine, artistique et collective remarquable qui fera date.

Comment avez-vous sélectionné les 8 artistes participants ?
Lx One : Le choix a été difficile en effet, tant l’envie de faire participer l’ensemble des membres des deux collectifs à une telle aventure était évidente. Pourtant, la sélection mais aussi les duos se sont rapidement imposés, à la fois par les styles picturaux et la pratique. Par les nombreuses collaborations déjà réalisées, je savais qui pouvait matcher avec qui, tant humainement que graphiquement. Et au vue du résultat, je pense ne pas m’être trompé…

Pourquoi avoir choisi de former des duos ?
Lx One : L’objectif était de réunir mes deux familles artistiques, AOC (Agents Of Change) et 9e Concept. J’ai d’abord imaginé une entité de 8 personnes mais, en raison des différents blockhaus disponibles et de la logistique, il a fallu constituer des équipes. Le duo était ce qui correspondait le plus à la collaboration entre deux collectifs, transposé à deux personnalités échangeant sur le même support.

Les artistes sont intervenus sur des blockhaus. Comment l’idée s’est-elle imposées ?
Stéphane Carricondo : Même si la maison se situe au milieu des vignes, l’océan et la côte avec ses vestiges sont très présents. En outre, il était important pour nous que la première résidence se fasse sur le territoire, en extérieur. Alex ayant déjà réalisé de nombreuses interventions sur la plage, il a soumis l’idée qui nous a semblé évidente. Pour nous, cette première résidence devait être hautement symbolique par rapport à la place de l’artiste dans la société. Nous l’avons donc placée sous le signe du collectif face à la situation sanitaire que l’on a connue, et choisi d’intervenir sur des blockhaus face à la guerre permanente à laquelle nous sommes confrontés.
Lx One : Nos collectifs étant composés d’artistes américains, anglais et français, intervenir sur des vestiges de la Seconde guerre mondiale avait encore plus de sens.

Pourquoi avoir travaillé la thématique du Razzle Dazzle ?
Lx One :
Ce procédé, bien qu’élaboré pendant la Première Guerre Mondiale, est une pratique qui a continué. Les premiers artistes liés au Razzle Dazzle, qui s’attèle à troubler l’estimation de la distance entre un point a et un point b, sont issus du Vorticisme, héritiers du Bauhaus, du Prématisme et des mouvements constructiviste, cubiste…, références à la fois pour AOC et 9e Concept, donc point de rencontre de nos différentes pratiques. Le Razzle Dazzle m’est ainsi apparu comme une ligne conductrice pour cette résidence.

Quels ont été les défis à relever ?
Lx One :
Le volume du blockhaus a permis d’aller plus loin dans l’exercice tout en faisant référence à nos pratiques individuelles. Une manière de faire évoluer des formes et des couleurs sur un volume perdu au milieu de nulle part, ressemblant davantage à un navire échoué, quelque chose à la fois d’archaïque et d’hyper futuriste à la Zaha Hadid. Comme pour toutes mes interventions, il y a d’abord eu une phase d’observation de l’environnement pour déterminer le détail à transformer en patterns, en l’occurrence les aspérités du blockhaus et le coffrage du béton, que j’ai alors démultiplié sur les surfaces, les associant à des motifs proches de ceux de Sol LeWitt, Vasarely… afin d’habiller les volumes.
Clément Laurentin : D’abord un défi climatique, entre le soleil intense et la marée haute qui immerge les blockhaus, mais aussi la volonté de jouer avec ce bloc gris à l’architecture marquée en se laissant guider par le volume.
Stéphane Carricondo : Intimidé par le support, ce fut pour moi assez compliqué au départ. Heureusement, dans la rencontre avec Augustine, qui a l’habitude de casser les formes, et encouragé par Alex, il m’a semblé intéressant de travailler la ligne pour créer des horizons différents. Une expérience très forte !

Comment définiriez-vous ces œuvres ?
Clément Laurentin :
Je n’aime pas trop les chapelles en général, donc dès que l’on veut nous placer dans des catégories, cela me gène à titre personnel. D’autant que les mots ont un sens, comme Street Art qui signifie art de rue. Sur un blockhaus, le lien avec l’urbanité c’est évidemment le béton et pourtant, nous sommes intervenus sur un site naturel donc non urbain, davantage lié au Land Art, une pratique privilégiant les installations avec des matériaux issus de la nature alors que nous avons peins !
Stéphane Carricondo : Je n’ai pas de problème avec cette notion d’urbanité puisque, dans notre expression artistique, nous avons été les témoins de l’évolution de la société de la campagne à la ville. Et, aujourd’hui, nous souhaitons créer des liens et reconnecter une forme d’urbanité à la nature. Il est ainsi frappant d’intervenir sur un site naturel où l’homme a construit des blockhaus, désormais en désuétude, pour défendre une idéologie fasciste. Y peindre est un acte fort, le signe d’un besoin de se reconnecter à la terre, à l’essentiel mais aussi un symbole de l’effondrement d’un modèle sociétal. Pour autant, ces œuvres dévoilent également une belle facette de l’humanité.

Au-delà de cette symbolique, pourquoi avoir écrit le mot Peace sur les toits des blockhaus ?
Clément Laurentin : Outre le message, l’idée était de rattacher ces 5 bunkers par un lien graphique, invisible depuis le sol et qui n’apparaît que vu du ciel.

Que vous a apporté cette expérience dans vos pratiques artistiques réciproques ?
Stéphane Carricondo : Au-delà de la réalisation collective qui, pour moi, concrétise cette vision d’une société où le partage est important, de ne pas avoir peur de confronter son travail à un autre. Avec Augustine, cette confrontation s’est faite avec beaucoup de pudeur et de délicatesse, l’énergie de la ligne et de la forme créant un langage au-delà des mots, engendrant entre nous une relation forte.
Clément Laurentin : D’un point de vue purement technique, travailler dans des conditions différentes nourrit la pratique. Pour autant, l’objet premier reste la rencontre humaine, donc forcément unique et intense, entre des artistes de deux collectifs.

Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
Stéphane Carricondo :
Indépendamment de l’acte artistique, il y a fondamentalement dans ce projet cette envie de se rencontrer, de partager un moment de vie et de construire quelque chose ensemble dans nos singularités et nos différences. En tant que peintre, se reconnecter à la nature en travaillant face à l’océan fut puissant. D’ailleurs, comme le dit Augustine, alors que nous avons tous l’habitude de travailler en écoutant de la musique, seule la musicalité de la vie alentours nous a accompagnés. Un forme d’anachronisme que de travailler sur du béton sur la plage. Enfin, tous les artistes travaillant en collectif, il y a nécessairement une intention et une énergie différentes, avec le rapport à l’autre et à l’ensemble omniprésent.
Ned : Surtout, alors que la plupart du temps, les blockhaus sont investis par du graffiti, une pratique très individualiste finalement, ce projet a permis de peindre collectivement et de proposer des œuvres différentes utilisant des formes abstraites.
Stéphane Carricondo : Effacer ces oeuvres un mois après les avoir réalisées afin que le graffiti reprenne sa place, pour que d’autres puissent ainsi s’exprimer sur ce support, fut également un acte fort.

Comment est financée cet première résidence ?
Stéphane Carricondo :
Par autofinancement. Tous les artistes ont mis à la vente deux ou trois œuvres pour financer le projet, un modèle que Julie Guinamant [Directrice de projet 9e Concept] a mis en place. Alors que le collectif n’est pas une valeur rentable dans notre société, créer nous-mêmes ces rencontres est essentiel pour notre milieu. De même, il est intéressant en tant que collectif avec plus de 30 ans d’expérience d’essayer d’établir des modèles de réflexion différents.
Julie Guinamant : L’idée était de financer des résidences d’artistes en partant d’oeuvres déjà réalisées mais aussi d’utiliser le potentiel de cette maison remarquablement située, entièrement designée par des artistes et meublée d’artisanat d’art. Pour cette première résidence, nous avons sélectionné quelques contributeurs, en raison des montants demandés, entre 5.000 et 10.000 euros, en échange d’un séjour dans la maison, d’une rencontre avec les artistes, d’une invitation au vernissage, de deux sérigraphies à choisir parmi celles produites…. Mais nous prévoyons à l’avenir d’ouvrir plus largement la participation avec des prix plus abordables.

Cette première résidence a déjà donné lieu à un livre, un film et prochainement une exposition…
Stéphane Carricondo :
L’exposition permettra de (re)plonger le public dans ce projet, dont les œuvres n’ont été visibles qu’un mois, grâce au témoignage du photographe Thomas Lang et celui du vidéaste Jules Hidrot. Les clichés du premier s’afficheront en all over sur une partie des murs de la galerie et le film du second, qui résume parfaitement cette résidence particulière mais aussi une vision forte de ce qu’est le collectif, sera projeté en permanence.
Ned : Le film va plus loin en témoignant de ce que pourrait être notre rôle d’être humain sur cette terre.
Julie Guinamant : Nous proposerons également des œuvres à la vente, cédées par les artistes…
Stéphane Carricondo : … ainsi que 4 sérigraphies réalisées spécialement en duo, édités en 25 exemplaires et imprimées par l’atelier Arcay. Ces sérigraphies reprennent les codes couleurs apparents sur les toit des blockhaus.