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Rencontre

Sabrina Beretta, la fée papillon

Sur la toile comme sur le mur, les créations originales de cette artiste qui explose sur la scène urbaine font mouche et nous touchent.

Consciente qu’un petit incident peut avoir de grandes conséquence, Sabrina Beretta a fait du papillon, symbole de l’effet éponyme, la « signature » d’une œuvre aux déclinaisons et aux interprétations multiples. Au-delà d’un esthétisme saisissant qui mêle figuration, abstraction et (dé)construction, elle distille un message rempli des contradictions de la nature humaine, entre dualité et paradoxe, transformation et renaissance. La vie dans toute sa vérité !

Tes œuvres ont de multiples niveaux de lecture. Est-ce totalement conscient ?

Mon travail, avec sa part consciente et sa part inconsciente, résonne avec la phrase de Picasso : « Tout acte de création est d’abord un acte de déconstruction ». Le papillon, symbole de la liberté, de la renaissance et de la métamorphose, fait écho à mon histoire. J’étais une chenille qui s’est transformée et s’est libérée. Le concept de métamorphose suppose également deux états : ce que l’on montre et ce qui se cache derrière et reste à découvrir. La construction et la déconstruction sont une métaphore de la vie : on est parfois brisé et l’on se reconstruit, mais il reste une cicatrice qui fait le lien entre ces deux états. Ainsi, mes œuvres sont-elles scindées en deux par un trait vertical… renvoyant à la grande cicatrice le long de ma colonne vertébrale après mon opération du dos, une démarche totalement inconsciente au départ. De même, la moitié gauche du personnage est figuratif, la moitié droite explose dans l’abstrait tout en étant reconnaissable. Une approche graphique dans laquelle on peut y voir une dualité, un paradoxe. À chacun d’interpréter l’œuvre à sa manière.

Certaines personnes ne voient dans tes œuvres que le coté esthétique…

Cela ne me dérange pas du tout. N’ayant pas reçu d’éducation artistique, je ne comprenais pas grand chose à l’art, mais j’ai changé. Je sais donc que l’on peut regarder une œuvre pour son esthétisme sans s’intéresser au message. Et cela est suffisant pour certains.

D’autres les interprètent par rapport à leur propre histoire, parfois loin de ce que tu as voulu signifier…

Heureusement. D’ailleurs, j’aime piquer la curiosité des spectateurs, qu’ils s’interrogent et partagent avec moi leurs interrogations. C’est gratifiant de voir que certains vont au-delà de l’esthétisme, trouvant un intérêt dans la symbolique. Dans certaines de mes œuvres, je cache ainsi parfois de petits symboles, comme les trois triangles que je me suis fait tatouer, symboles d’un jeu vidéo.

Ton œuvre est-elle optimiste ou pessimiste ?

Ça dépend des jours…

Comment la couleur s’intègre-t-elle dans ton art ?

J’utilise principalement toujours les mêmes couleurs. Mon noir n’est jamais noir, il est noir bleuté ; mon blanc n’est jamais blanc, il tire sur le turquoise. Ce sont des couleurs complémentaires que j’apprécie, une palette saturée, contrastée, flashy qui traduit ma personnalité et me définit, au même titre que les triangles, la forme la plus simple qui soit avec le moins de côtés. Une forme basique entre complexité et simplicité, un symbole pyramidal que j’apprécie particulièrement et qui me permet de travailler l’explosion d’une partie du personnage.

Le triangle n’est-il pas un symbole féminin ?

Tout à fait ! Mais il symbolise également le feu.

Comment es-tu passée de l’illustration à la peinture ?

En tant qu’illustratrice, j’ai réalisé de nombreux livres de coloriage pour adultes. Parallèlement, je peignais, testant différentes techniques, supports, médiums. La peinture a progressivement pris plus de place à travers des œuvres totalement abstraites, d’autres entièrement figuratives, mais cela ne me satisfaisait pas… jusqu’à ce que j’associe les deux. Un long parcours, une remise en question personnelle au cours de laquelle j’ai développé mon style et accentué ma démarche artistique sur « l’effet papillon » : la vie ne tient qu’à un fil ; un seul battement d’ailes peut tout changer. Si je n’avais pas fait ce choix il y a dix ans, je n’en serais d’ailleurs pas là aujourd’hui.

Est-ce une thérapie pour toi ?

Une thérapie devenue une passion, un besoin, une nécessité. Et aujourd’hui, je fais le plus beau métier
du monde !

Et les fresques ?

C’était un rêve de travailler dans la rue ! Il a fallu néanmoins que j’adapte ma technique. Mais qu’il est gratifiant de voir des paillettes dans les yeux des passants.

Comment travailles-tu sur mur et en atelier ?

Sur les murs, j’utilise la bombe, ce que je ne fais pas à l’atelier, notamment pour les aplats de couleurs.
J’aime travailler les dégradés au spray, mettre du relief, jouer avec le support… Pour autant, je reste très manuelle, travaillant beaucoup aux pinceaux, parfois même aux doigts.

Quels sont tes projets ?

Plusieurs murs, notamment sur le festival RenaissanceS. Je participe également à « Boards to be Solidaire » du Secours Populaire et Urban Signature en mars prochain. En tant qu’artiste, il est important de montrer son engagement. Et j’ai plein d’autres projets en cours : customiser une boîte aux lettres pour La Poste ; réaliser une œuvre qui prendra place sur le distributeur du Crédit Agricole de Reims en plein centre de la ville avec la vidéo de la création défilant pendant trois mois, une manière d’aborder la rue différemment ; agrandir la collection de chaussettes 100% made in France pour Quanailles ; continuer ma collaboration avec Vangart [broderies d’art à partir d’oeuvres d’artistes, NDLR]… Plusieurs expositions sont également prévues à Miami, Paris, Reims… Enfin, je développe également une nouvelle série sur toile et papier en travaillant le relief avec des découpes pour donner du volume à mes éclats, comme s’ils sortaient du papier.

Le relief, le volume font-ils désormais partie de ta recherche picturale ?

Probablement… Je compte par exemple travailler sur du plexiglas pour apporter des niveaux de profondeur différents.

Tout ce que tu fais est-il dans l’idée du partage ?

Oui, depuis mes livres de coloriage où mes illustrations s’associent à l’interprétation des personnes, leur vision et leurs émotions, jusqu’à mes toiles destinées à être exposées mais que je partage sur les réseaux où je suis très active pour échanger avec mes followers.

Le papillon, va-t-il continuer à évoluer ?

Il va continuer son envol, se transformer, se développer… tant sur le fond que sur la forme et même dans la composition. Le papillon perdurera parce qu’il en existe plus de soixante mille variétés ! Surtout, « l’effet papillon », totalement libérateur, me donne des ailes et s’applique à d’autre thèmes. Je travaille ainsi les personnages de séries télé, de bandes dessinées et de jeux vidéo qui m’ont influencée ou encore des peintres que j’admire, comme Dalí et Basquiat, d’autres séries sur différents supports et avec différentes techniques.

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