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Interview

Crash, le maître de la bombe fait exposer les couleurs

Parmi les enfants prodiges de la révolution du graffiti new-yorkais, John « Crash » Matos a su imposer son style coloré et explosif, reconnaissable entre tous, et construire une œuvre puissante au service d’une véritable démarche artistique.

CRASH : crashone.com
Instagram : @crashone

Crash crée ses œuvres lumineuses et vibrantes à main levée, en utilisant principalement la bombe, explorant le lien entre Pop Art et graffiti, langage visuel et écrit. Né dans le Bronx au début des années 1960, il a, comme beaucoup, commencé à faire ses premières armes sur les wagons du métro en suivant, à peine âgé de 13 ans, des camarades plus âgés. Son pseudonyme ne vient pas de son style mais simplement du surnom hérité à l’époque pour avoir planté l’ordinateur de son école ! Crash a été l’un des premiers à passer à la toile, sans jamais oublier la passion de la rue. En 1980, l’artiste est signé par Sidney Janis, l’un des premiers galeristes à promouvoir les artistes de la scène graffiti. Cette année-là, il est également le commissaire de l’exposition révolutionnaire Graffiti Art Success for America au Fashion MODA dans le South Bronx, considérée comme le point de départ de la légitimation de ce courant artistique. En 1983, il participe à l’exposition « Post-Graffiti » avec Keith Haring et Jean-Michel Basquiat organisée par Sidney Janis. Aujourd’hui, ses œuvres font partie des collections du MOMA (Museum of Modern Art) de New York et du Brooklyn Museum of Art.

Reconnu en Europe et en France
Crash a commencé sa carrière en Europe en participant aux premières expositions consacrées à l’art du graffiti dans les années 1980, notamment à Monaco (Speerstra Gallery) et à Amsterdam (chez Yaki Kornblit). Il se fait connaître en France en participant à l’exposition « 5/5 Figuration Libre, France-USA » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1984, qui met en regard les œuvres d’artistes américains comme lui, Basquiat et Keith Haring, et les français Boisrond, Combas, Di Rosa… John participera à plusieurs expositions collectives institutionnelles, dont « Graffiti Art » en 1991 au Musée des Monuments Français à Paris ; « Crash & Daze » en 1999 au Musée d’Art moderne et d’Art contemporain à Nice ; « L’art modeste sous les bombes » en 2007 au Musée international des arts modestes à Sète ; « Libres Figurations, Années 80 » en 2017 au Fonds Hélène & Édouard Leclerc à Landerneau.

Quand vous étiez jeune, était-ce naturel pour un gamin du Bronx de taguer les wagons de métro ?
A la fin des années 60 et au début des années 70, beaucoup de nouveautés intéressantes dans le monde artistique et culturel sont arrivées à New York. Les débuts du graffiti étaient l’une d’elles. Ce n’était pas vraiment « naturel », c’était plutôt l’une des nombreuses choses qui se passaient dans le Bronx.

Le graffiti est un mouvement rebelle. La principale raison de sa croissance est cette nature rebelle.

CRASH

Comment expliquez-vous l’émergence de toute cette génération d’artistes qui sont passés par le Studio Graffiti et la Fashion Moda ?
Le graffiti est un mouvement rebelle. La principale raison de cette croissance est cette nature rebelle. Fashion Moda, avec sa vision de l’art et de la communauté, était le meilleur endroit pour faire partie de l’émergence du graffiti.

Comment avez-vous rejoint la galerie Sydney Janis ?
J’ai été approché par Sidney Janis pour participer à l’exposition « Post Graffiti » en décembre 1983. Ils m’ont ensuite demandé de devenir un artiste de la galerie. J’en ai été très honoré car cette galerie a une histoire incroyable en matière d’art !

Et comment cela a-t-il changé votre vie ?
L’une des principales conséquences est de m’avoir ouvert les yeux sur la profondeur de l’Histoire de l’art. C’est grâce à cela que j’ai découvert des artistes anciens très importants.

Vous avez développé votre carrière en Europe depuis les années 1980. Quelle est la différence entre la réception des artistes graffiti en Europe et aux États-Unis ?
L’Europe a pris très au sérieux le mouvement graffiti. L’histoire de l’Europe est très longue et profonde en ce qui concerne l’art. Les États-Unis, en tant que nouveau pays, n’ont pas vraiment eu la même profondeur dans l’appréhension du sérieux du graffiti. Je pense que c’est la principale raison pour laquelle l’Europe, mais aussi l’Asie, ont un lien aussi fort avec nous et notre travail.

Avez-vous une relation particulière avec la France ?
Ma relation avec la France a commencé dans mon cœur quand j’étais enfant. J’ai vu un petit film intitulé Le ballon rouge d’Albert Lamorisse, qui a piqué ma curiosité et tout est parti de là. J’ai visité Paris pour la première fois en 1983.

Et plus particulièrement avec Montpellier ?
Mon premier voyage à Montpellier date de 1989, j’y suis retourné en 1990… J’ai même fait ma première exposition à Montpellier à la Galerie Structures.

Vous avez collaboré avec de nombreuses grandes marques (Peter Stuyvesant, Fender, Levi’s, Absolut Vodka…). Comment abordez-vous ce type de travail ?
Lorsque je collabore avec une entreprise ou une marque, j’essaie de rester fidèle à mon travail. En revanche, j’essaie de l’adapter à la marque. Parfois cela fonctionne… parfois non.

Dans les années 1980 et 1990, vous avez participé à plusieurs expositions institutionnelles consacrées au graffiti. Avez-vous le sentiment que ce mouvement est reconnu à sa juste place ?
Le graffiti est toujours incompris au sein de la communauté artistique, mais il bénéficie enfin du respect qui lui est dû. Et je suis persuadé qu’il va encore se développer au cours des prochaines années.

Et vous-même, présent dans de nombreuses collections publiques et privées, vous considérez-vous comme un artiste contemporain à part entière ?
Je me considère comme un artiste contemporain depuis le premier jour. Depuis ses débuts, j’ai toujours clamé que le graffiti était et est de l’art ! Il faut un talent incroyable pour être capable de créer une forme d’art avec une bombe de peinture sur un support en mouvement. C’est une démarche proche de celle des futuristes italiens.

Revendiquez-vous toujours l’étiquette « graffiti », « street artiste » ou « artiste urbain » ou cela vous ennuie-t-il ?
Je ne suis certainement pas un street artiste, ce terme décrit ce qui se passait dans les rues avec la prolifération des pochoirs. Je suis un artiste, tout simplement. Mais que certains s’accrochent encore aux vieilles références au graffiti ne me dérange pas…

Prenez-vous toujours autant de plaisir à peindre des murs ?
J’adore peindre des fresques murales, même si c’est très physique, parce qu’il faut utiliser des nacelles, et très scientifique, parce qu’il faut mettre l’oeuvre à l’échelle. D’ailleurs, je continuerai jusqu’à ce que je ne puisse plus le faire.

Votre style a toujours gardé son caractère fort, énergique et coloré. Mais comment a-t-il évolué au fil du temps ?
L’évolution de mon travail a toujours dépendu de la situation dans le monde. Je me sers de la musique et de l’actualité pour me motiver, donc il y aura toujours des changements dans mon travail.

Quels sont vos prochains projets ?
Mon travail évolue chaque jour… En ce moment, j’explore différents supports, comme le métal, et différents médiums, afin d’élargir mes concepts et mon point de vue artistique.

Galerie At Down
20 rue du plan de l’olivier 34000 Montpellier
Du mardi au samedi de 14h à 19h
www.galerie-atdown.com