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Interview

Istraille sublime Art Urbain et Art Classique

Le graffiti d’un cĂŽtĂ©, la peinture acadĂ©mique de l’autre, Istraille rĂ©unit dĂ©sormais avec talent ses deux passions : figuration et Art Urbain.

Artiste dans l’ñme, Istraille a d’abord graffĂ© en autodidacte avant d’acquĂ©rir les bases du dessin et de la peinture classique. Deux univers avec lesquels il s’est longtemps « battu », tant il est difficile de faire fi des Ă©tiquettes. Et c’est une recherche constante dans sa pratique picturale qui l’a finalement menĂ© Ă  ces sublimes portraits oĂč Art Urbain et Art Classique s’associent magistralement. Des Ɠuvres Ă  la fois puissantes par la touche Street Art et poĂ©tiques par les coups de pinceaux figuratifs, oĂč le contraste visuel le dispute Ă  l’harmonie. Toutes dĂ©livrent ainsi mille sensations !

D’oĂč vient votre blaze ?

Au lycĂ©e, en cours de français, je me suis endormi durant la projection de L’Assommoir de Zola. Je me suis rĂ©veillĂ© lors des questions/rĂ©ponses qui ponctuaient la projection, demandant « qui est Istraille ? »… ce que j’avais cru entendre alors qu’il s’agissait de « Il se trahit ». 29 tĂȘtes se sont alors retournĂ©es vers moi, ce qui ne m’a pas empĂȘchĂ© de me rendormir, ce que n’a pas apprĂ©ciĂ© la prof… Istraille est restĂ©. Mon seul objectif Ă©tait d’avoir le bac, sĂ©same pour intĂ©grer une École d’arts appliquĂ©s par oĂč sont passĂ©s certains graffeurs dont je respecte le travail, notamment Moon mxtr.

Quand avez-vous commencé le graffiti ?

J’ai commencĂ© Ă  dessiner du graffiti en 1999, mais j’ai mis deux ans avant de graffer sur murs [rire]
 car il y a pour moi des Ă©tapes qu’il ne faut pas griller ! Je suis d’abord graffeur puis artiste… et maintenant artiste qui va vers graffiti, l’inverse de ce que font beaucoup de street artistes.

Vous avez donc intĂ©grĂ© une Ă©cole d’art. Que vous a apportĂ© cet enseignement ?

La technique, la recherche, la rĂ©flexion… MalgrĂ© un enseignement trĂšs acadĂ©mique, j’ai aimĂ© ces annĂ©es d’études car j’ai pu toucher Ă  tous les arts, y compris la sculpture. Il Ă©tait important pour moi d’apprendre les bases, des notions qu’il faut comprendre pour s’amĂ©liorer. Car si je savais dessiner des lettres, je ne savais pas esquisser un corps par exemple… D’ailleurs, durant ces annĂ©es trĂšs intenses, j’ai tellement dessinĂ© que j’ai fait une « overdose » au point de ne plus toucher un crayon entre 2007 et 2010.

Vous avez Ă©galement Ă©tĂ© danseur Hip Hop…

J’ai baignĂ© dans la culture Hip Hop, du BitBox, des Jams… mais je n’ai Ă©tĂ© danseur qu’une annĂ©e [rire].

Est-ce cela qui vous a donné envie de travailler le corps en mouvement ?

Lorsque, en 2010, je me suis remis au dessin, je suis naturellement retournĂ© vers ce que j’ai dans les veines : le Hip Hop donc la danse, le mouvement, la dynamique. J’ai d’abord peint le mouvement des danseurs de Hip Hop pour dĂ©river vers des danseuses popping et locking, avant de m’orienter vers le corps, la chair donc la danse classique. De fil en aiguille, j’ai synthĂ©tisĂ© ce travail il y a quelques mois seulement pour arriver aux portraits.

Pourquoi ĂȘtre passĂ© du corps en mouvement au portrait ?

J’ai suivi les traces… « Ne cherche pas ton style, c’est ton style qui viendra Ă  toi » me rĂ©pĂ©tait inlassablement mon prof. Je crois qu’il ne faut pas refouler ce vers quoi la tĂȘte et la main vont…

Une Ă©volution qui n’est pas choisie consciemment…

Tout Ă  fait… Je me laisse aller. Il y a eu trois Ă©tapes dans mon travail. AprĂšs avoir peint des danseurs sur des fonds graffitis, j’ai eu besoin de confronter brutalement mes deux passions, le graffiti et la peinture acadĂ©mique du XVIIIe et XIXe , en peignant sur toiles dĂ©chirĂ©es. Et depuis fin 2020, alors que ma problĂ©matique Ă©tait d’aimer l’art classique et d’aimer le graffiti, j’ai rĂ©ussi Ă  unifier ces deux univers, ce que je n’aurais jamais pu rĂ©aliser sans les Ă©tapes prĂ©cĂ©dentes.

Comment associez-vous désormais vos deux univers à travers vos portraits ?

Je commence par un fond graffiti, avec un cĂŽtĂ© underground abĂźmĂ©, sur lequel je peins le portrait, trĂšs graphique, trĂšs dynamique, et plutĂŽt dans une ambiance graffiti. Je retravaille ensuite la peau afin qu’elle laisse « apparaĂźtre » le fond. Je reviens ainsi plusieurs fois sur les deux techniques afin que graffiti et peinture se mĂ©langent pour des portraits Ă  la croisĂ©e du figuratif et du graffiti.

Le dessin est-il toujours la base de chacune de vos Ɠuvres ?

Mes influences Ă©tant les anciens maĂźtres, notamment Alexandre Cabanel, le dessin reste la base, surtout pour les portraits. Le dessin est trĂšs important pour moi et il faut qu’il soit rĂ©aliste ! Je m’ouvre nĂ©anmoins de plus en plus Ă  l’abstrait, comprenant enfin la recherche graphique et esthĂ©tique d’une toile abstraite [rire].

Comment choisissez-vous vos modĂšles ?

C’est un coup de cƓur pur et dur devant certaines photos. Ces modĂšles, je les rĂ©interprĂšte, modifiant certains Ă©lĂ©ments comme les yeux, les cheveux, la lumiĂšre… Certaines toiles ressemblent ainsi beaucoup au modĂšle, d’autres nettement moins. Mais je n’ai pas nĂ©cessairement envie que l’on identifie mes modĂšles.

Est-ce un choix purement esthétique ?

C’est Ă  la fois liĂ© Ă  l’esthĂ©tique et Ă  l’émotion dĂ©gagĂ©e.

Votre univers est trÚs coloré. Comment choisissez-vous les couleurs dynamiques que vous utilisez ?

La couleur s’impose surtout en fonction du modĂšle. NĂ©anmoins, je me fixe des objectifs : utiliser du jaune pour une toile, du bleu pour la suivante… Je m’impose ainsi de travailler diffĂ©rentes couleurs, par contrainte plus que par plaisir, une maniĂšre de sortir ma zone de confort. Ainsi, j’aime le bleu et le magenta, nuances avec lesquelles j’ai l’impression de « mieux m’en sortir ». Et alors que je n’aime pas le vert, j’ai pourtant rĂ©alisĂ© plusieurs toiles avec cette teinte [rire]. Pour une prochaine exposition dont le thĂšme est l’écologie, je travaille sur les animaux marins. Je devrais en toute logique utiliser le bleu, le vert, le turquoise
 Je me suis nĂ©anmoins imposĂ© l’orange [rire]. En rĂ©alitĂ©, je ne pars pas avec l’idĂ©e que le message doit coller Ă  la couleur ni que la couleur doit correspondre au message.

Comment travaillez-vous vos toiles ?

J’associe bombe aĂ©rosol pour les fonds, mĂȘme sur trĂšs petit format, dont j’aime le bruit des billes et l’odeur d’acĂ©tone… c’est dans mes veines [rire], avec l’acrylique, les marqueurs et, parfois, les stylos et les encres.

Vous avez Ă©galement rĂ©alisĂ© quelques murs…

Trop peu Ă  mon goĂ»t ! Comme je passe beaucoup de temps Ă  l’atelier, les journĂ©es ne sont pas assez longues [rire]. Et avec le confinement, je me suis recentrĂ© sur la peinture. J’ai nĂ©anmoins participĂ© au Zoo Art Show, j’ai quelques projets de fresques en prĂ©paration et il m’arrive de peindre dans des lieux abandonnĂ©s, comme dans cet ancien hĂŽpital oĂč j’ai rĂ©alisĂ© une dizaine de fresques. Pour moi nĂ©anmoins, il s’agit davantage d’un travail d’étude que d’un travail abouti… Mais j’ai bien l’intention d’y retourner tant il est intĂ©ressant d’avoir une « galerie ouverte ».

Travaillez-vous de la mĂȘme façon sur mur et sur toile ?

Il y a une notion de rapiditĂ© dans le graffiti que j’apprĂ©cie Ă©normĂ©ment… qui peut aussi dangereuse : on peut rapidement se tromper car, sur un Ă©chafaudage, impossible de prendre du recul. Peindre en atelier est Ă©videmment plus serein. C’est donc deux maniĂšres diffĂ©rentes de travailler, y compris dans la technique puisque, sur un mur, je n’utilise que la bombe. J’espĂšre nĂ©anmoins retrouver cette mixitĂ© de techniques sur mur, fond Ă  la bombe et chair au pinceau. Une recherche qui me conduit vers une prochaine Ă©tape…

Quelles sont vos projets ? Vos prochains défis ?

Avant tout dĂ©velopper ma peinture graffiti murale. Je travaille d’ailleurs sur un gros projet avec deux amis, Pakone et Sabio, qui devrait voir le jour Ă  Cergy, dans le Val-d’Oise… Je participe Ă©galement Ă  « O’DYSSEY – La journĂ©e des ocĂ©ans » le 26 juin prochain Ă  Paris. Enfin, je dois livrer prochainement des Ɠuvres aux galeries avec lesquelles je travaille…

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