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Interview

ISTRAILLE sublime Art Urbain et Art Classique

Le graffiti d’un côté, la peinture académique de l’autre, Istraille réunit désormais avec talent ses deux passions : figuration et Art Urbain.
Par Gabrielle Gauthier

Artiste dans l’âme, Istraille a d’abord graffé en autodidacte avant d’acquérir les bases du dessin et de la peinture classique. Deux univers avec lesquels il s’est longtemps « battu », tant il est difficile de faire fi des étiquettes. Et c’est une recherche constante dans sa pratique picturale qui l’a finalement mené à ces sublimes portraits où Art Urbain et Art Classique s’associent magistralement. Des œuvres à la fois puissantes par la touche Street Art et poétiques par les coups de pinceaux figuratifs, où le contraste visuel le dispute à l’harmonie. Toutes délivrent ainsi mille sensations !

D’où vient votre blaze ?

Au lycée, en cours de français, je me suis endormi durant la projection de L’Assommoir de Zola. Je me suis réveillé lors des questions/réponses qui ponctuaient la projection, demandant « qui est Istraille ? »… ce que j’avais cru entendre alors qu’il s’agissait de « Il se trahit ». 29 têtes se sont alors retournées vers moi, ce qui ne m’a pas empêché de me rendormir, ce que n’a pas apprécié la prof… Istraille est resté. Mon seul objectif était d’avoir le bac, sésame pour intégrer une École d’arts appliqués par où sont passés certains graffeurs dont je respecte le travail, notamment Moon mxtr.

Quand avez-vous commencé le graffiti ?

J’ai commencé à dessiner du graffiti en 1999, mais j’ai mis deux ans avant de graffer sur murs [rire]… car il y a pour moi des étapes qu’il ne faut pas griller ! Je suis d’abord graffeur puis artiste… et maintenant artiste qui va vers graffiti, l’inverse de ce que font beaucoup de street artistes.

Vous avez donc intégré une école d’art. Que vous a apporté cet enseignement ?

La technique, la recherche, la réflexion… Malgré un enseignement très académique, j’ai aimé ces années d’études car j’ai pu toucher à tous les arts, y compris la sculpture. Il était important pour moi d’apprendre les bases, des notions qu’il faut comprendre pour s’améliorer. Car si je savais dessiner des lettres, je ne savais pas esquisser un corps par exemple… D’ailleurs, durant ces années très intenses, j’ai tellement dessiné que j’ai fait une « overdose » au point de ne plus toucher un crayon entre 2007 et 2010.

Vous avez également été danseur Hip Hop…

J’ai baigné dans la culture Hip Hop, du BitBox, des Jams… mais je n’ai été danseur qu’une année [rire].

Est-ce cela qui vous a donné envie de travailler le corps en mouvement ?

Lorsque, en 2010, je me suis remis au dessin, je suis naturellement retourné vers ce que j’ai dans les veines : le Hip Hop donc la danse, le mouvement, la dynamique. J’ai d’abord peint le mouvement des danseurs de Hip Hop pour dériver vers des danseuses popping et locking, avant de m’orienter vers le corps, la chair donc la danse classique. De fil en aiguille, j’ai synthétisé ce travail il y a quelques mois seulement pour arriver aux portraits.

Pourquoi être passé du corps en mouvement au portrait ?

J’ai suivi les traces… « Ne cherche pas ton style, c’est ton style qui viendra à toi » me répétait inlassablement mon prof. Je crois qu’il ne faut pas refouler ce vers quoi la tête et la main vont…

Une évolution qui n’est pas choisie consciemment…

Tout à fait… Je me laisse aller. Il y a eu trois étapes dans mon travail. Après avoir peint des danseurs sur des fonds graffitis, j’ai eu besoin de confronter brutalement mes deux passions, le graffiti et la peinture académique du XVIIIe et XIXe , en peignant sur toiles déchirées. Et depuis fin 2020, alors que ma problématique était d’aimer l’art classique et d’aimer le graffiti, j’ai réussi à unifier ces deux univers, ce que je n’aurais jamais pu réaliser sans les étapes précédentes.

Comment associez-vous désormais vos deux univers à travers vos portraits ?

Je commence par un fond graffiti, avec un côté underground abîmé, sur lequel je peins le portrait, très graphique, très dynamique, et plutôt dans une ambiance graffiti. Je retravaille ensuite la peau afin qu’elle laisse « apparaître » le fond. Je reviens ainsi plusieurs fois sur les deux techniques afin que graffiti et peinture se mélangent pour des portraits à la croisée du figuratif et du graffiti.

Le dessin est-il toujours la base de chacune de vos œuvres ?

Mes influences étant les anciens maîtres, notamment Alexandre Cabanel, le dessin reste la base, surtout pour les portraits. Le dessin est très important pour moi et il faut qu’il soit réaliste ! Je m’ouvre néanmoins de plus en plus à l’abstrait, comprenant enfin la recherche graphique et esthétique d’une toile abstraite [rire].

Comment choisissez-vous vos modèles ?

C’est un coup de cœur pur et dur devant certaines photos. Ces modèles, je les réinterprète, modifiant certains éléments comme les yeux, les cheveux, la lumière… Certaines toiles ressemblent ainsi beaucoup au modèle, d’autres nettement moins. Mais je n’ai pas nécessairement envie que l’on identifie mes modèles.

Est-ce un choix purement esthétique ?

C’est à la fois lié à l’esthétique et à l’émotion dégagée.

Votre univers est très coloré. Comment choisissez-vous les couleurs dynamiques que vous utilisez ?

La couleur s’impose surtout en fonction du modèle. Néanmoins, je me fixe des objectifs : utiliser du jaune pour une toile, du bleu pour la suivante… Je m’impose ainsi de travailler différentes couleurs, par contrainte plus que par plaisir, une manière de sortir ma zone de confort. Ainsi, j’aime le bleu et le magenta, nuances avec lesquelles j’ai l’impression de « mieux m’en sortir ». Et alors que je n’aime pas le vert, j’ai pourtant réalisé plusieurs toiles avec cette teinte [rire]. Pour une prochaine exposition dont le thème est l’écologie, je travaille sur les animaux marins. Je devrais en toute logique utiliser le bleu, le vert, le turquoise… Je me suis néanmoins imposé l’orange [rire]. En réalité, je ne pars pas avec l’idée que le message doit coller à la couleur ni que la couleur doit correspondre au message.

Comment travaillez-vous vos toiles ?

J’associe bombe aérosol pour les fonds, même sur très petit format, dont j’aime le bruit des billes et l’odeur d’acétone… c’est dans mes veines [rire], avec l’acrylique, les marqueurs et, parfois, les stylos et les encres.

Vous avez également réalisé quelques murs…

Trop peu à mon goût ! Comme je passe beaucoup de temps à l’atelier, les journées ne sont pas assez longues [rire]. Et avec le confinement, je me suis recentré sur la peinture. J’ai néanmoins participé au Zoo Art Show, j’ai quelques projets de fresques en préparation et il m’arrive de peindre dans des lieux abandonnés, comme dans cet ancien hôpital où j’ai réalisé une dizaine de fresques. Pour moi néanmoins, il s’agit davantage d’un travail d’étude que d’un travail abouti… Mais j’ai bien l’intention d’y retourner tant il est intéressant d’avoir une « galerie ouverte ».

Travaillez-vous de la même façon sur mur et sur toile ?

Il y a une notion de rapidité dans le graffiti que j’apprécie énormément… qui peut aussi dangereuse : on peut rapidement se tromper car, sur un échafaudage, impossible de prendre du recul. Peindre en atelier est évidemment plus serein. C’est donc deux manières différentes de travailler, y compris dans la technique puisque, sur un mur, je n’utilise que la bombe. J’espère néanmoins retrouver cette mixité de techniques sur mur, fond à la bombe et chair au pinceau. Une recherche qui me conduit vers une prochaine étape…

Quelles sont vos projets ? Vos prochains défis ?

Avant tout développer ma peinture graffiti murale. Je travaille d’ailleurs sur un gros projet avec deux amis, Pakone et Sabio, qui devrait voir le jour à Cergy, dans le Val-d’Oise… Je participe également à « O’DYSSEY – La journée des océans » le 26 juin prochain à Paris. Enfin, je dois livrer prochainement des œuvres aux galeries avec lesquelles je travaille…

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