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Rencontre

Quentin DMR, re-crĂ©ateur d’images

Le dernier projet du « photographe-plasticien » est fidĂšle Ă  son univers : des portraits photographiques en noir et blanc dĂ©structurĂ©s et recomposĂ©s Ă  la maniĂšre d’un puzzle. AudelĂ  de l’impact visuel, une invitation Ă  rĂ©flĂ©chir sur notre humanitĂ©.

De son expĂ©rience d’animateur social, Quentin DMR a gardĂ© un goĂ»t et une curiositĂ© pour les gens. Quels que soient ses projets, qui associent toujours travail dans la rue et en atelier, les personnes restent
au centre de ses recherches, mĂȘme si leur image est dĂ©construite et reconstruite. AprĂšs de multiples recherches, son travail d’Art Urbain est un mĂ©lange de photographie, installation et matĂ©riaux bruts, bois, mĂ©tal, plastique


D’oĂč vient le pseudonyme DMR ?

C’est un diminutif de mon nom de famille, Dumontier. C’était plus simple Ă  retenir, avec mon vrai prĂ©nom, tout simplement.

Vous avez commencĂ© par la photographie…

Oui, c’était une vraie passion. En voyage, j’ai toujours pris des photos, des clichĂ©s un peu intimistes mais aussi des images d’architecture. J’ai grandi au Havre, l’architecture Perret m’a beaucoup inspirĂ©, le mouvement des lignes, le cĂŽtĂ© rĂ©pĂ©titif, trĂšs graphique.

Comment ĂȘtes-vous passĂ© Ă  l’Art Urbain ?

Petit Ă  petit, j’ai essayĂ© de crĂ©er quelque chose. J’ai eu plusieurs opportunitĂ©s, notamment Ă  Montpellier, avec le crĂ©ateur de la Galerie ÉphĂ©mĂšre, dans une ancienne saline. J’avais une idĂ©e en tĂȘte : je voulais parler de l’histoire de l’un des travailleurs du salin, un homme de 90 ans que j’avais rencontrĂ©, qui Ă©tait nĂ© lĂ . On m’a laissĂ© carte blanche. Je suis parti lĂ -dessus, avec des photos que j’avais prises, des feuilles, des ciseaux, j’ai dĂ©coupĂ©, assemblĂ©…

Ainsi est né votre style ?

Oui. L’idĂ©e, c’était vraiment de donner un cĂŽtĂ© abstrait Ă  la photo, en noir et blanc, parce que j’adore la profondeur et le cĂŽtĂ© trĂšs neutre. Mais aussi parce que, quand j’ai commencĂ© mes collages dans la rue, cela coĂ»tait beaucoup moins cher en tirage [ rires ]. Ce sont des grands formats alors, dĂšs que l’on commence Ă  imprimer en couleur, cela revient trĂšs cher !

Et l’idĂ©e du dĂ©coupage ?

Au dĂ©but de ma rĂ©flexion, je n’étais pas forcĂ©ment parti sur du dĂ©coupage. Mon objectif Ă©tait de transformer l’image en quelque chose de complĂštement abstrait. Je me rendu compte qu’utiliser le portrait de quelqu’un pouvait ĂȘtre compliquĂ©. Sur plusieurs projets, certaines personnes ne souhaitaient pas qu’on puisse les reconnaĂźtre. Avec le dĂ©coupage, l’Ɠuvre est moins personnelle et plus universelle. C’est aussi un jeu avec celui qui regarde l’Ɠuvre, comme un travail de puzzle : on peut chercher Ă  retrouver le modĂšle si on le connaĂźt… ou ne voir que le cĂŽtĂ© abstrait, trĂšs cubique.

Travaillez-vous principalement Ă  partir de portraits ?

J’ai commencĂ© par photographier des personnes. Puis, j’ai essayĂ© d’évoluer vers d’autres approches. Sur ma prĂ©cĂ©dente exposition, un travail sur le mal-logement Ă  New York, j’avais dĂ©cidĂ© de photographier tous les buildings de Manhattan et de les dĂ©structurer pour faire passer un message. Le visuel Ă©tait trĂšs abstrait, mais le fond Ă©tait toujours sur l’aspect humain.

ConsidĂ©rez-vous que vous ĂȘtes un artiste « engagĂ© » ?

J’ai toujours un message Ă  faire passer. Je comprends que certains artistes, avec une dĂ©marche purement esthĂ©tique, n’en aient pas. Ce n’est pas mon cas. Lorsque j’ai rĂ©alisĂ© un mur dans un quartier trĂšs populaire, trĂšs Ă©clectique de Montpellier, dans lequel j’ai habitĂ© quelques annĂ©es, j’ai souhaitĂ© rendre hommage aux habitants. J’ai choisi quatre personnes trĂšs diffĂ©rentes, le chef des gitans, le reprĂ©sentant des commerçants, un sociologue qui a Ă©crit plusieurs livres sur ce quartier et Denise, une dame africaine qui tenait une Ă©picerie.

Dans votre travail, il y a une dimension importante accordĂ©e aux installations et aux matĂ©riaux…

Dans mon travail, il y a d’abord la photographie, qui est une base. Mais, ce qui m’intĂ©resse, c’est le cĂŽtĂ© plasticien. Je ne pourrais pas faire uniquement de la photo. Pour l’exposition sur les bĂątiments de Manhattan, j’ai travaillĂ© sur tous les matĂ©riaux de construction, le verre, le fer, le bois… Je travaille aussi beaucoup sur les volumes. MĂȘme pour les fresques, lorsque je peux travailler en relief, j’adore ! À SĂšte, Ă  la Pointe Courte, un quartier de pĂȘcheurs, j’ai imprimĂ© mes photos sur des bandes de bĂąches installĂ©es sur une structure mĂ©tallique. Ainsi, elles pouvaient ĂȘtre battues par le vent, Ă  la maniĂšre des voiles d’un bateau.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Il y a Ă©normĂ©ment d’artistes urbains qui m’intĂ©ressent et que je suis. Mais ce qui m’a rĂ©ellement inspirĂ©, ce sont des compagnies comme Royal de Luxe, qui font rĂȘver les gens. J’ai eu la chance de les voir gamin au Havre oĂč ils venaient souvent. Quand vous voyez des Ă©lĂ©phants de 15 mĂštres de haut, c’est impressionnant. Pour moi, c’est vraiment de l’Art Urbain. L’un des cĂŽtĂ©s intĂ©ressant de notre travail, c’est le gigantisme. Je viens ainsi de rĂ©aliser une fresque Ă  Pantin, je crois qu’elle fait 125 mĂštres carrĂ©s, j’ai mis trois jours Ă  la faire. Quand on fait un tel travail, on ne peut ĂȘtre que fier ! J’ai Ă©tĂ© aussi inspirĂ© par des artistes plus contemporains
comme Henrique Oliveira qui travaille sur le bois. Avec ses installations, il m’a fait rĂȘver !

Quel rapport avez-vous entre le travail dans la rue et le travail en atelier ?

Je ne pourrais passer ma vie dans un atelier Ă  ne faire que des tableaux. Et ce serait aussi compliquĂ© de ne faire que du mural. J’ai besoin des deux. En atelier, on est seul. Dans la rue, c’est un plaisir d’interagir avec les gens. Et c’est un moyen de rendre l’art accessible Ă  tous. Tout le monde n’a pas la chance de pouvoir entrer facilement dans une galerie. Et si nous pouvons amener un nouveau public Ă  le faire, c’est gĂ©nial.

Quand vous travaillez dans la rue, est-ce légal ?

J’ai commencĂ© en vandale, comme beaucoup, mĂȘme si, aujourd’hui, je travaille surtout sur commande, donc dans un cadre autorisĂ©. Mais je ferai toujours du travail vandale, parce qu’il y a une excitation, l’adrĂ©naline qui monte… C’est ce que j’ai vĂ©cu Ă  Brooklin, en peignant un mur le 31 dĂ©cembre Ă  4 heures du matin !! Et la rue, c’est Ă©phĂ©mĂšre. L’Ɠuvre peut rester deux heures comme six mois ou un an. Cela fait partie du jeu. Pour les spectateurs aussi : on voit une Ɠuvre, tant mieux, sinon on verra peut-ĂȘtre la prochaine. C’est comme cela que je rĂ©agis moi-mĂȘme.

Votre dĂ©marche est particuliĂšre puisque vous associez crĂ©ations murales et tableaux…

Oui, tous mes projets associent les deux. Parfois, je commence par une fresque, avant d’en faire un tableau. Parfois l’inverse. Pour le projet « IdentitĂ© Internes », j’ai d’abord peint Ă  New York, puis rĂ©alisĂ© les tableaux. Et pratiquement toutes les Ɠuvres de l’exposition seront reproduites sur un mur, notamment une grande fresque Ă  Montpellier, en prĂ©sence des Ă©lĂšves.

Justement, comment est né ce projet ?

J’ai travaillĂ© dans ce lycĂ©e, comme surveillant. J’avais l’idĂ©e de faire une exposition sur et avec les Ă©lĂšves. Je suis allĂ© voir la direction de l’établissement et ils m’ont donnĂ© leur accord. J’ai rĂ©uni douze volontaires pour participer au projet. Je leur ai demandĂ© s’ils avaient un message Ă  faire passer
 Ils m’ont dit qu’ils voulaient simplement qu’on parle d’eux. Ce qui les a fait rĂȘver, c’est d’abord New York. GrĂące aux rĂ©seaux sociaux, on a pu Ă©changer en direct et ils ont vu leurs visages sur Time Square.

Le projet a pris combien de temps ?

Tout a Ă©tĂ© trĂšs trĂšs vite. L’idĂ©e est nĂ© en octobre ; dans la foulĂ©e j’ai
prohographiĂ© les Ă©lĂšves puis je suis parti Ă  New-York en novembre pour rĂ©aliser les fresques avant de revenir en atelier Ă  Montpellier. Je suis retournĂ© Ă  New York pour les fĂȘtes de fin d’annĂ©e et j’en ai profitĂ© pour peindre le mur Ă  Brooklyn, 8 mĂštres sur 3. Tout devait ĂȘtre prĂȘt pour le 1er fĂ©vrier, parce que Nicolas Laugero Lasserre [ le fondateur d’Artistik Rezo, NDLR ] m’a donnĂ© l’opportunitĂ© d’exposer dans sa galerie. Tout a Ă©tĂ© fait un peu dans la prĂ©cipitation, mais c’est finalement une bonne chose.

Le travail en atelier vous a-t-il pris beaucoup de temps ?

Lorsque je prĂ©pare un tableau, je teste, j’essaie de trouver la meilleure position des dĂ©coupes que j’assemble, le meilleur rendu en relief… Le temps de rĂ©flexion est souvent plus long que le temps de rĂ©alisation. J’ai passĂ© un mois et demi en atelier pour une vingtaine de tableaux. Ce projet Ă©tait un peu particulier car j’ai utilisĂ© comme support des Ă©lĂ©ments du mobilier de l’internat : tableaux noirs, chaises, tabourets tiroirs
 uniquement des objets de rĂ©cupĂ©ration. J’aimerais bien trouver une galerie ou un lieu Ă  Montpellier pour permettre aux Ă©lĂšves de voir l’exposition. C’est aussi leur exposition ! Sans eux, rien n’aurait Ă©tĂ© possible.

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