Menu
Rencontre

PMH ou le champ des possibles

Dans les œuvres de PMH, traits, formes et motifs se croisent et s’entremêlent. Autant de chemins à suivre sans contrainte… pour une interprétation totalement libre.

PMH : pmhdoodle.com
Instagram : @pmh_doodle

D’une pratique compulsive et répétitive, PMH a fait un art dans lequel plonger avec délice… pour son petit côté Madeleine de Proust. Les formes, traits, motifs, couleurs qui saturent ainsi l’espace nous entraînent dans un imaginaire totalement hypnotique. Ces œuvres, d’où émanent l’énergie et la minutie du geste, sont autant de chemins que l’artiste nous invite à explorer… et surtout à s’approprier. En filigrane de ces « cadeaux », une évidence : l’importance du lien !

Qu’est-ce que les « doodles » ?
Le doodle, c’est gribouiller de manière inconsciente, sans savoir où l’on va. Lorsque j’étais professeur d’histoire en lycée, pendant les réunions et conseils de classe, je « gribouillais » en marge de mes cahiers, une façon de me concentrer. Non seulement j’écoutais et je participais, mais en plus, j’avais un dessin à la fin [rire]. Rien n’était alors maîtrisé ! C’est un de mes anciens élèves, à qui j’ai montré mon travail, qui m’a appris que je faisais du doodle !

Pourquoi ce style t’a-t-il séduit ?
Parce que le doodle s’apparente à un mantra, une forme d’écriture graphique proche de l’écriture automatique. Au-delà de la concentration, c’est assez satisfaisant de voir les traits prendre forme sans savoir ce que cela va donner. Sans doute aussi que ce travail est lié à mon parcours. Cela fait 20 ans que je souffre de douleurs chroniques et, sans aller jusqu’à parler d’art thérapie, lorsque je suis plongé dans un dessin ou une toile, mon cerveau s’implique davantage sur ce qui se forme sous mes yeux que les messages de douleur qu’il reçoit.

Comment l’as-tu fait évoluer ?
A force de répéter ces gribouillages jour après jour, j’ai fini par développer une technique particulière et des motifs qui m’étaient propres, des entrelacs où tout est entremêlé, des réseaux, des labyrinthes graphiques, maîtrisant toujours davantage le trait. Les encouragements des premières personnes à s’intéresser à mon travail ont été importants puisque cela m’a incité à travailler sur toile dès 2010, d’abord au pinceau, ce qui s’est révélé catastrophique, puis au feutre… avant de découvrir le Posca, qui offre la précision du trait et la qualité de la peinture. Le bouche à oreille m’a permis d’exposer entre 2012 et 2019, les réseaux sociaux m’ont apporté des commandes… Les projets séduisants se multipliant, alors même que j’adorais enseigner, j’ai quitté l’éducation nationale pour me consacrer à ma pratique.

Pourquoi avoir choisi d’aller vers le figuratif ?
Par hasard, lorsqu’un jeune éditeur parisien m’a contacté pour me proposer de travailler un mécanisme de montre en mode doodle. Ce petit dessin a ensuite fait l’objet d’une lithographie chez Idem Paris. Depuis, j’intègre des éléments figuratifs en simplifiant les motifs tout en gardant le style doodle avec ce côté entremêlé, donnant ainsi de la « matière » au spectateur. Son œil se promène dans le labyrinthe où tout est connecté, et tombe sur des éléments qu’il reconnaît ou croit reconnaître… Il peut s’y projeter, découvrir des choses qu’il n’avait pas vues, travailler son imaginaire… Un côté Où est Charlie ?, ludique, accessible. J’impose uniquement le sens de lecture par ma signature… ce qui n’empêche aucunement certains de retourner le dessin [rire].

Et toi, que racontes-tu à travers ce langage pictural ?
Lorsque je commence une œuvre, je n’est qu’une intention, une idée – je prends d’ailleurs beaucoup de notes –, mais je ne connais pas l’histoire. Ainsi, je l’écris en même temps que je la vis, laissant la main connectée au cerveau « piloter ». Pour les commandes, qu’il s’agisse d’un mur ou d’une toile, même si beaucoup me laissent carte blanche, le jeu est néanmoins de placer un certain nombre d’éléments en mode doodle qui parlent aux commanditaires.

Comment la multitude d’éléments interagissent-ils entre eux ?
La difficulté est évidemment d’imbriquer les éléments figuratifs et mes propres motifs dans un tout cohérent. Je ne m’arrête que lorsque l’œil est satisfait même si, évidemment, j’anticipe certains motifs, laissant de l’espace afin de les placer ensuite. J’aime ce genre de défis !

Quelle place tient la couleur dans ton travail ?
La couleur intervient après le dessin, selon mon humeur du moment. Je peux ainsi partir sur un camaïeu de bleu-vert, une couleur flashy, notamment l’orange fluo en ce moment… Mais ce n’est pas l’étape la plus simple puisqu’il s’agit de bien doser les aplats de couleurs. Pour les fresques, j’utilise l’acrylique au pinceau, cernant ensuite les formes au Posca.

Tu interviens également sur des supports atypiques…
J’aime les contraintes… [rire]. Pour l’exposition de La Baule, j’ai « doodlelisé » une ancienne carte scolaire d’Italie, comme si les doodles s’emparaient du pays, sans en altérer les informations et en utilisant uniquement les espaces à ma disposition. Une façon de donner à cette carte, qui a servi à des milliers d’élèves, une autre dimension, une autre signification. Travailler ce type de support peut être assez intimidant, tout comme l’ont été les billets de banque de Money for Nothing, des « documents » authentiques et rares qu’il ne faut pas altérer. Je suis d’ailleurs resté des mois sans y toucher !

Ton travail est-il toujours accessible ou abordes-tu des sujets plus difficiles ?
Cela m’est arrivé… En 2014, j’ai accepté le défi d’un collectif artistique de Louisiane : celui de réaliser 4 toiles inspirées d’une quarantaine de photographies de photographes américains. Parmi elles, la photo d’un arbre du sud des états-Unis m’a profondément marqué, évoquant chez moi la chanson Strange Fruit de Billie Holiday. Est ainsi née Strange fruits, un arbre dont les racines et les branches s’entremêlent et d’où pendent 6 cordes de pendus de couleurs différentes. Une œuvre qui devrait ressortir en lithographie rehaussée chez Idem Paris. Pour autant, mon travail reste la plupart du temps accessible… même je ne m’interdis rien.

Prof pendant 21 ans, tu as gardé tes réflexes de transmission…
J’aime transmettre, partager un savoir-faire. Dans les ateliers que j’anime, je dis souvent aux gamins : « en doodle, on ne se trompe jamais ». Le doodle est accessible à tous, même aux petits de maternelle ou à ceux qui sont convaincus de ne pas savoir dessiner ! C’est un savant-mélange entre le lâcher-prise, parce que tu ne sais pas où tu vas, et la concentration et la maîtrise du trait. D’ailleurs, tous les enfants finissent par produire quelque chose… Les profs sont même bluffés par leur implication !

Que vas-tu proposer dans ton prochain solo show ?
Avec « Doodle Mania », j’essaye de montrer que ce style, qui raconte des histoires, se décline à l’infini sur une grande diversité de supports. Outre les dessins, toiles, lithographies, billets de banque de Money for Nothing et le film Doodle room, je présenterai des objets, skates, instruments de musique, chaussures… doodlelisés, mais aussi une sculpture en résine de Moï – l’un des trois personnages de la mallette « Doodle Art » réalisée en collaboration avec Posca, évidemment customisé, et fil conducteur de l’exposition. Et je serai naturellement présent. Les week-ends, j’animerai des ateliers Posca pour les enfants.

Le volume est donc une nouvelle direction…
Absolument, j’y pense depuis déjà plusieurs années. Au-delà du personnage, je travaille déjà avec une entreprise de Saint-Nazaire pour donner à certains de mes dessins une vie en 3D…

A voir
Money For Nothing : moneyfornothing.fr
Doodle room : youtube.com/watch?v=aAVfqulLyQg