Menu
Interview

SONIC, une légende vivante…

Depuis les années 1970, son nom est indissociable de l’histoire du graffiti new-yorkais. Mais au-delà d’un parcours riche en aventures, Sonic est avant tout un artiste majeur à la démarche qui marie ancrage dans ses racines et recherche constante.

Instagram : @sonicbadnyc

Sonic

Jesse Rodriguez est né en 1961 à Broolkyn. Il a commencé à graffer, principalement sur les rames de métro new-yorkais en 1973. Un début de carrière pour le moins précoce, dans une époque moins ouverte qu’aujourd’hui. Avec Dondi et Rammelzee, il a ainsi réussi à immortaliser une scène de course-poursuite avec la police, image devenue célèbre. Pour autant, il ne faut surtout pas réduire à cette dimension historique le parcours de cet artiste – même si lui ne se revendique pas ainsi – qui a su imposer sa patte au fil des ans. Sonic fait partie des artistes urbains emblématiques d’une époque épique. Il figure ainsi dans de nombreux ouvrages, dont ceux de Martha Cooper, et plusieurs documentaires – Wild Style, Style Wars, Beat Street, Subway Art, Hip Hop Files… – et ses œuvres ont envahi les murs du monde entier, de New York évidemment, mais aussi d’Amsterdam à Singapour en passant par l’Allemagne, Jakarta, Hong Kong, la Belgique, la France. S’il est resté fidèle au Wild Style de ses débuts, cette forme de lettrage sophistiqué très graphique, Sonic a apporté sa propre vision où ses folding letters ou ribbon letters évoquant des pliages complexes se marient à des figures et des décors urbains, dans lesquels le métro tient naturellement une place prépondérante, comme pour boucler la boucle.

Lorsque vous avez commencé, pensiez-vous que vous seriez encore là 40 ans plus tard ?
Non. Je ne pensais même pas que je vivrais jusqu’à la quarantaine ! Être un graffeur à New York était très dangereux à cette époque…

Vous avez peint dans le monde entier. New York est-elle vraiment à part ?
Oui, bien sûr. C’est là que je suis né et que j’ai grandi, je ne connaissais rien d’autre. Avoir eu la chance de voyager à travers le monde et de découvrir différentes cultures et coutumes m’a fait prendre conscience de l’impact que New York a eu sur le mouvement graffiti dans le monde entier.

Est-ce particulier d’être un street artist du Bronx, un quartier à la réputation sulfureuse, vu d’ici ?
D’abord, je ne suis pas un street artist, je suis un graffeur. C’est ainsi que l’on s’appelait en 1973, lorsque j’ai commencé. À l’époque, je n’étais pas considéré comme un artiste mais comme un vandale, il y a une différence ! Certains graffeurs ont commencé à utiliser le terme « art » par la suite pour attirer un public plus large. Ensuite, je ne suis pas un graffeur du Bronx. Je suis un artiste international né à Brooklyn, élevé à Far Rockaway, dans le Queens.

Vous êtes l’un des muralistes les plus prolifiques. Êtes-vous toujours aussi passionné ?
Oui, je suis plus passionné que jamais, mais je ne suis plus aussi jeune… ni aussi rapide.

Vous avez expérimenté – et créé – de nombreux styles différents au fil des ans. Y a-t-il une constante dans votre travail ?
Oui, le Wild Style est une constante dans mon travail. Quand vous voyez l’une des mes œuvres originales, vous savez qu’elle a été réalisée par Sonic.

Comment êtes-vous passé du lettrage classique à un travail plus figuratif, avec des personnages et des arrière-plans ?
J’ai toujours dessiné, avant même de me lancer dans le graffiti. Il m’a donc été facile d’ajouter des éléments figuratifs dans mes créations. Ces évolutions dans mon travail viennent de ce que j’ai pu voir sur les murs de New York, dans les années 1970 et 1980, toutes les réalisations des autres artistes du graffiti. Au fil du temps, j’ai commencé à associer le lettrage à des personnages et des décors, pour créer des œuvres plus détaillées… et plus impressionnantes.

Quelles ont été vos influences artistiques ?
Lorsque j’ai débuté, je m’inspirais des graffeurs qui avaient leur nom dans le plus d’endroits de la ville. Mais ce sont véritablement mes expériences de vie qui ont le plus influencé mon travail artistique, tout au long de ma carrière.

Pourquoi le métro occupe-t-il une place à part dans votre parcours ?
C’est sur une rame de métro en mouvement que j’ai vu des graffitis pour la première fois. À New York, les métros circulent 24 heures sur 24, sept jours sur sept, dans toute la ville. Dans les années 1970 et 1980, c’était tout simplement le meilleur moyen de se faire connaître dans tous les quartiers.

Lorsque vous avez commencé, le graffiti était illégal. Aujourd’hui, il est reconnu. Que vous inspire cette évolution ?
J’ai un sentiment mitigé à ce sujet. Il y a des opportunités légales pour les graffeurs, mais les graffitis sont toujours illégaux dans le métro et leurs auteurs sont toujours harcelés par la police. Les street artistes en revanche sont mieux acceptés et ne courent donc pas les mêmes risques que les graffeurs.

Beaucoup de vos œuvres éphémères ont été « sauvées » grâce à la photographie. Est-ce une dimension importante ?
Oui, bien sûr ! Les murs et les graffitis peuvent disparaître en moins d’un jour, alors qu’une photo peut préserver ces œuvres pour de nombreuses générations futures. Martha Cooper et Henry Chalfant ont photographié un grand nombre de mes pièces ferroviaires. S’ils n’avaient pas contribué au mouvement graffiti, il est possible que de nombreux graffeurs originaux de la vieille école ne soient pas connus aujourd’hui, moi y compris.

Comment et pourquoi êtes-vous passé à un travail de studio plus traditionnel ?
Au fur et à mesure que mon travail progressait, j’ai voulu recréer ce que j’avais fait dans le passé, les moments les plus excitants de ma vie de graffeur.

Certaines personnes pensent que le Street Art perd son identité lorsqu’il sort de la rue. Qu’en est-il pour vous ?
Oui, bien sûr, il perd une partie de son identité en tant que « Street Art », mais comme l’appréciation de cette forme d’art se développe, c’est une part nécessaire de l’évolution du mouvement de l’art de la rue et du graffiti. D’autant que les artistes ont besoin de gagner de l’argent pour continuer à créer !

Pensez-vous que l’Art Urbain a la reconnaissance qu’il mérite ?
Il a incontestablement acquis une certaine reconnaissance, mais il n’a pas encore reçu le « respect » qu’il devrait avoir. C’est une forme d’art tellement influente et constante dans le monde d’aujourd’hui qu’elle devrait être considérée de manière plus positive.

Et vous ?
En ce moment, je suis de retour dans les tournées artistiques et les expositions internationales de graffiti, depuis que la pandémie a gelé les opportunités que j’avais ces dernières années.

Quels sont vos projets ?
À l’heure où je réponds à cette question, je suis aux Pays-Bas où je travaille sur une exposition à venir et je fais actuellement partie d’une exposition collective chez Wallworks, à Paris. Je travaille également sur un livre sur mes expériences de graffiti tout au long de ma vie.