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Street-art : ou sont les femmes ?

La question peut sembler faussement provocante, voire un peu stupide. Une femme street artiste n’est-elle pas, tout simplement, une artiste, sans qu’il soit nĂ©cessaire de prĂ©ciser ? Certes, mais la rĂ©alitĂ© n’est peut-ĂȘtre pas si simple. Malheureusement.

Les filles font partie depuis toujours de l’histoire de l’Art Urbain. Comme les garçons, elles ont graffĂ© sans autorisation – et passĂ© des nuits au poste –, elles participent aux festivals dans le monde entier, elles exposent en galeries
 Et pourtant. « À l’image du secteur des arts plastiques tous mouvements confondus, le Street Art n’échappe pas Ă  la rĂšgle d’une sous-reprĂ©sentation manifeste des femmes. Cependant, dĂšs les dĂ©buts de l’histoire du Street Art, qui s’appelait alors graffiti car le terme Street Art n’existait pas encore, des talents fĂ©minins Ă©taient bien lĂ , comme Lady Pink par exemple, la pionniĂšre, au dĂ©but des annĂ©es 80. Dans les annĂ©es 90 en France, des talents comme Miss Van sont apparus et ont couvert de façon fĂ©minine les murs de nos villes, de Toulouse Ă  Paris », note la galeriste Magda Danysz. Depuis, quelques femmes ont rĂ©ussi Ă  s’imposer, Ă  se hisser parmi les grands noms du mouvement. Ainsi, l’artiste amĂ©ricaine Swoon, activiste engagĂ©e dans l’humanitaire, compte avec ses collages muraux parmi les talents Ă  noter. « De la mĂȘme façon l’artiste YZ, Ă  prononcer «eyes», voyage Ă  travers le monde et peint dans les environnements qu’elle traverse des portraits sensibles de femmes admirables qu’elle nomme les « impĂ©ratrices ». Parmi les femmes qui se distinguent citons aussi Maya Hayuk, aussi connue pour ses positions fĂ©ministes, dans une veine plus abstraite, ou, Faith 47, artiste d’origine sud-africaine, reconnaissable pour ses Ɠuvres murales inspirĂ©es par les clivages sociaux de son pays. Ainsi, si l’on ne peut faire valoir qu’en quantitĂ© la part des femmes dans le Street Art soit importante, c’est dans la qualitĂ© de leurs Ɠuvres et de leur prise de parole qu’elles se distinguent. Souvent engagĂ©es, fĂ©ministes et humanitaires, elles ne baissent jamais les bras et font valoir leurs voix haut et fort ».

Le paradoxe du Street Art

Le Street Art est souvent perçu comme une contre-culture progressiste, parfois rĂ©volutionnaire, en tout cas dĂ©mocratique. Tout le monde peut dĂ©cider de crĂ©er dans la rue, quels que soient son statut social, son origine, son niveau d’éducation. Et son genre ? On pourrait s’attendre Ă  ce qu’un mouvement artistique laisse naturellement toute leur place aux femmes (et Ă  toutes les minoritĂ©s) et mĂȘmes aux revendications fĂ©ministes. Alors, comment expliquer que l’on soit toujours loin de la paritĂ© ? L’une des explications tient peut-ĂȘtre Ă  l’histoire de l’Art Urbain, indissociable d’une pratique « vandale » illĂ©gale. D’oĂč l’image de mauvais garçon, indissociable elle aussi de celle du graffeur avec sa bombe aĂ©rosol et son sweat-shirt Ă  capuche ! Le facteur risque ne peut ainsi pas ĂȘtre totalement occultĂ© concernant des activitĂ©s nocturnes, souvent dans des lieux isolĂ©s et peu hospitaliers. Mais, Ă  l’heure oĂč l’Art Urbain a conquis une reconnaissance officielle, ce point a dĂ©sormais de moins en moins d’impact. Et les choses Ă©voluent. Sans doute encore trop lentement, mais on compte de plus en plus de femmes dans les rangs des artistes urbains. Certainement plus qu’il n’y paraĂźt puisque de nombreux pseudonymes, comme celui de l’espagnole Btoy, n’indiquent pas le genre. Le Street Art est un univers oĂč les Ɠuvres sont plus importantes que les artistes eux-mĂȘmes et l’identitĂ© ne se rĂ©vĂšle qu’avec la reconnaissance.

FĂ©minitĂ© assumĂ©e…

D’autres font de leur fĂ©minitĂ© un sujet. À l’image de la plus connue d’entre elles, Mic Tic. La femme est omniprĂ©sente dans ses Ɠuvres, une femme fatale, sĂ©duisante, mais libre, qui s’exprime et ne craint pas d’évoquer une sexualitĂ© joyeuse, comme l’affirme une de ses phrases cĂ©lĂšbres, « Je joue oui ». C’est aussi le cas des toulousaines Miss Van et Mademoiselle Kat qui ont elles aussi peint sur les murs de la Ville Rose des pin-up aux charmes affichĂ©s. Mademoiselle Kat, qui affirme « Graffer la nuit sur les murs, c’est sentir un Ă©lan de libertĂ©, c’est comme aller manifester. Ce sont des moments sauvages et forts », explique d’ailleurs que « contrairement aux fĂ©ministes d’aujourd’hui, j’aime traiter des stĂ©rĂ©otypes car je pense que c’est en jouant avec, en se les appropriant, que l’on arrive Ă  les casser. Historiquement, la pin-up est une reprĂ©sentation de la femme qui s’est rĂ©pandue dans les annĂ©es 30-40 aux États-Unis, alors qu’il y rĂ©gnait une ambiance trĂšs puritaine. Pour moi, elle symbolise la femme d’extĂ©rieur, l’inverse de la femme d’intĂ©rieur. Ce n’est pas une femme objet mais une femme sujet ». Sa complice Vanessa, plus connue sous le pseudo de Miss Van, s’est elle aussi opposĂ©e aux conventions des artistes urbains, Ă  commencer par son choix des pinceaux et de la peinture acrylique Ă  la place de l’incontournable aĂ©rosol. Le duo a Ă©tĂ© rejoint par une troisiĂšme artiste, Fafi, qui joue sur les mĂȘmes codes du charme dĂ©tournĂ©. Vanessa partie vers d’autres cieux, le trio accueillera une autre femme, Plume, et sĂ©vira sous le nom Ă©vocateur de Hanky Panky Girls, le premier crew fĂ©minin de graffiti en France et l’une des rares Ă©quipes entiĂšrement fĂ©minines au monde.


 et revendications féministes

Aujourd’hui, de nombreuses artistes urbaines mettent leur talent au service de leurs convictions. C’est le cas de la françaises Kashink, une trentenaire atypique qui a portĂ© la moustache et peint plus de 300 « gĂąteaux pour tous » en faveur du mariage homosexuel, en France, en Espagne, en Autriche et aux États-Unis, un projet baptisĂ© 50 cakes of gay ! C’est aussi le cas de la brĂ©silienne Anarkia Boladona, Panmela Castro de son vrai nom, dont les fresques sont consacrĂ©es aux droits des femmes et Ă  leur dĂ©fense face au sexisme et aux violences conjugales, et qui dĂ©clare : « On se sert de l’art comme d’une arme pacifique et d’un instrument de transformation culturelle pour lutter contre le machisme ». Mais dans le petit monde du Street Art, du chemin reste Ă  parcourir. En 2016, un projet visant Ă  crĂ©er une Ɠuvre de Street Art par arrondissement Ă©tait lancĂ© par la Ville de Paris. Parmi les 10 premiers artistes retenus pour la premiĂšre phase
 que des hommes ! Kashink affirmait « J’aimerais que le fait d’ĂȘtre une femme artiste, qui plus est une femme street artiste, ne soit plus un sujet ». On ne peut que l’espĂ©rer.

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